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de la conjuration, un capitaine d’infanterie, nommé Lara, n’était point encore arrêté. il s’était blotti dans un grenier ; sa retraite était connue ; le consul lui fit proposer de s’échapper, et de prendre passage à bord de la Pauline, où il serait à l’abri de toute poursuite sous la protection française. Ce misérable n’eut pas le courage de quitter son grenier. Il craignait de recevoir des coups de fusil pendant le trajet, et j’appris une fois de plus qu’un conspirateur pouvait n’être point brave. Une heure plus tard, Lara fut arrêté. J’étais tellement indigné de sa lâcheté, que je me promis de l’aller voir fusiller.

Le conseil de guerre devait se rassembler dans la journée. Curieux d’assister à un procès politique en Espagne, je courus la ville, demandant partout où il devait avoir lieu. Il me fut d’abord impossible de l’apprendre. Ceux à qui je m’adressais examinaient avec soupçon ma physionomie étrangère et me faisaient une réponse évasive. J’arrivai, m’enquérant toujours, à la plaza de la Merce, où se trouve le quartier d’infanterie. De nombreux détachemens stationnaient sur cette place. En face de la caserne, je vis un groupe nombreux d’officiers qui s’entretenaient très vivement ; je compris que j’étais près enfin de ce que je cherchais. Un capitaine, auquel je demandai s’il me serait permis de voir juger les prisonniers, me conduisit vers le colonel ; celui-ci appela l’officier de garde, lui donna un ordre, et me dit de le suivre. J’entrai avec lui dans la caserne. Après de longs détours, nous arrivâmes à une petite porte verrouillée. — C’est là, me dit l’officier en me saluant, et il se disposa à me quitter. — Qui est-ce qui est là ? lui demandai-je avec surprise. — Mon colonel, ajouta-t-il, m’a ordonné de vous conduire vers les deux marins anglais qui ont été arrêtés hier à la suite d’une rixe. Grace à ma veste de matelot, on m’avait pris pour un de leurs amis. Je remerciai l’officier, lui disant que c’était un conseil de guerre que j’étais venu voir, et non pas des ivrognes. Comme je revenais sur la place, je vis qu’une foule épaisse se dirigeait vers une église ouverte : j’entrai avec cent autres ; un prêtre était à l’autel ; un grand nombre d’officiers de tous grades en uniforme écoutaient avec recueillement la messe du saint-Esprit, qui est, en Espagne, le préambule obligé de tout conseil de guerre. Cet usage, digne du plus catholique pays du monde, me parut imposant. Il me fut impossible d’assister au jugement. Je fus charitablement averti que ce n’était point la place d’un étranger, et que j’y pourrais fort bien recevoir un coup de navaja de la main de quelque mécontent. Comprenant que je n’avais rien à voir, rien à faire dans cette ville bouleversée, où d’ailleurs je devais revenir, je me disposai à partir le soir même pour Grenade. Au moment de monter en diligence, j’appris que les sept accusés avaient été condamnés à mort.

Nous arrivions le lendemain, vers dix heures, à Loja, ville de vingt-cinq mille habitans, bâtie sur le penchant d’une colline très verte, très