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L’ANDALOUSIE


À VOL D’OISEAU.




À Mme  M… O…





I.

J’ai fait mon entrée en Andalousie comme un commis-voyageur. La civilisation a tué les voyages pittoresques, madame, et il faut se résigner à parcourir très prosaïquement les plus poétiques pays. Si donc vous ne voulez pas vous figurer l’Espagne sans ses caravanes de mules retentissantes, sans ses arrieros bronzés avec leur escopette au poing, ne poursuivez pas plus avant ce véridique récit, car je suis déterminé à rester d’une franchise désolante, en dépit même de la couleur locale. Ce fut tout simplement dans la diligence, dans une diligence jaune à trois compartimens, exactement semblable à celles de MM. Laffitte et Caillard, que je m’éveillai un beau matin, après m’être endormi le soir à Val-de-Peñas, pays célèbre par un vin rouge qui, selon moi, sent abominablement la peau de bouc. Mes yeux à demi ouverts se portèrent d’abord sur les compagnons de voyage que le sort me donnait. La veille au soir, je les avais confusément entrevus à la lueur d’une lanterne, et ils méritaient assurément une observation plus attentive. Nous étions six dans l’intérieur étouffant et poudreux de la diligence, six sans compter les paquets, les chapeaux, les cabas, les paniers et un gros perroquet. La première figure sur laquelle mes regards s’arrêtèrent me parut absolument noire elle était emmaillottée dans un foulard jaune, et tout-à-fait pendue, comme étranglée, dans