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là un grand effet manqué. On proclamait une théorie pompeuse, et on croyait prendre le parquet en défaut ; on croyait remporter une grande victoire. Tout au contraire, on est battu : il est évident qu’il y a eu des traîtres. Le parti démagogique n’est jamais vaincu que parce qu’il est trahi ; c’est une règle de foi. Soit ; mais d’où vient alors qu’il est toujours trahi ?

L’arrêt par lequel la haute cour a repoussé la prétention de la défense restera comme la meilleure et la plus solennelle réfutation de la théorie de l’insurrection légale ; ce sera un des grands arrêts de la magistrature française.

Ne pouvant pas plaider l’insurrection, les avocats ont déclaré qu’ils ne plaideraient pas. Ils ont trouvé cela magnanime. La cour alors a nommé des avocats d’office ; les accusés, ne voulant pas être en reste de magnanimité et ayant en cieux. Ils n’ont donc été défendus que par le résumé du président, qui, avec une rare impartialité, a fait ressortir les charges et les décharges des débats. C’est une leçon qu’il adonnée aux avocats ; il les a remplacés dans tut ce que sa conscience de magistrat lui permettait de faire, et les accusés y ont gagné ; nous sommes sûrs que les jurés aussi s’en sont félicités. La société est vengée, reste à la défendre.


— Que les docteurs en constitutionnalité se voilent la face : les chambres espagnoles ont été ouvertes sans discours d’ouverture. À quoi faut-il attribuer cette innovation ? Est-ce au désir d’écarter toute question indiscrète sur la dernière révolution du palais ? Est-ce à la netteté même de la situation, qui dispense les partis de s’expliquer ? Est-ce enfin à une intelligente économie de temps ? Quel que soit le motif, c’est là un progrès réel. L’opposition y perd son meilleur champ de bataille, mais les questions d’affaires y gagneront un bon mois. N’est-ce pas un fait curieux que les bons exemples politiques nous viennent cette fois encore d’au-delà des Pyrénées, et que la première entre les pays constitutionnels l’Espagne soit en mesure d’avoir ses budgets votés avant le 1er janvier ?

L’opposition a voulu prendre sa revanche en demandant, par l’organe de M. Olozaga, que les documens de nature à éclairer le congrès sur les événemens survenus tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, depuis la dernière session, fussent communiqués par le ministère. Deux points excitaient principalement la curiosité de M. Olozaga : l’expédition d’Italie et la retraite de M. Mon. Le général Narvaez n’a pas même attendu, pour en déblayer le terrain, que la proposition fût prise en considération. Sur la question d’Italie d’abord, la tâche du gouvernement était facile. L’expédition française, en prenant les devans sur l’expédition espagnole, n’a laissé à celle-ci qu’un rôle purement expectant, de sorte que l’E pagne ne s’est pas trouvée un seul instant mêlée aux conflits qui ont failli dénaturer le caractère de notre intervention. Dégagé de toute complication internationale, l’envoi d’une expédition espagnole en Italie se réduisait ainsi à un heureux coup de main de politique intérieure. C’était le signe visible de la réconciliation accomplie entre l’Espagne constitutionnelle et le saint-siège, c’était la solution définitive de la question religieuse, la ruine des espérances rétrogrades dont cette question était le dernier, l’unique boulevard. Les convenances gouvernementales interdisaient au président du conseil une réponse aussi explicite, mais cette réponse était au fond de tous les esprits.