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nature et le caractère du parti du 13 juin, ce qu’il croit, ce qu’il veut, comment il entend gouverner ce pays-ci le jour où il l’aurait envahi, de quelle manière aussi il entend l’envahir et par quels moyens. Comme cet avenir est toujours possible, grace aux, fautes que nous sommes chaque matin en train de faire, quitte à nous y arrêter chaque soir, il est bon que nous sachions tous d’avance à quoi nous en tenir. Que disait, par exemple, le secrétaire-général de la solidarité républicaine, vaste association destinée à s’étendre sur toute la surface du pays, que disait-il dans une lettre citée aux débats ? « Il faut replacer au sommet de notre république la déclaration des droits et la constitution de 93. C’est, comme le disait la charte de Louis XVIII, le moyen de renouer la chaîne des temps, et le respect de la tradition a une valeur incontestable. » N’admirez-vous pas ce goût des antiquités et des traditions de 93 ? 94 est pour les ces hommes une sorte de syllabe sacrée. Et qu’on ne vienne pas leur dire que le pays a horreur de leur sanguinaire religion ! Le fanatisme s’inquiète bien des goûts et des dégoûts du pays ! Le peuple souverain est fait pour obéir ! La république, ont-ils déclaré, est au-dessus des majorités. Heureux alors ceux qui sont républicains et qui le sont de naissance ! Ils ont un droit prédestiné à gouverner la France. Il est bien entendu que les hommes qui s’arrogent ce droit insolent, si vous leur parlez de la sainte ampoule de Reims, de l’huile qui consacrait le roi et qui en faisait le maître légitime du peuple, ces hommes vont rire de la superstition. Ils ne voient pas que cette ampoule dont ils se moquent, ils l’ont tous dans leur poche, et que la leur, pour n’être pas descendue du ciel et pour s’être formée et élevée de la boue du ruisseau, n’en est pas plus sainte et plus sacrée. Nous n’avons pas voulu supporter le droit divin qui passe par la religion, et nous supporterions celui qui provient de la fantaisie du premier turbulent incapable !

Le procès de Versailles dit le but des factieux ; il dit aussi leurs moyens, qui ne valent pas mieux. En effet, ils ne comptent pas sur la persuasion et sur le raisonnement ; ils comptent sur la violence ; et en attendant la violence, ils emploient la menace. Ecoutez ce que disait un clubiste, le 9 juin, au club Roisin : « Nous avons le droit de dire à un fonctionnaire de la république qu’il a trahi la république, et Bonaparte est fonctionnaire. Louis XVI a conspiré, et peu de temps s’écoula entre le retour de Varenne et l’expiation. » Le 10 juin, un journal dit, en parlant des membres de la majorité : « Le peuple connaît l’article 5 de la constitution il les mettra hors la loi avec les Bonaparte, les Barrot, et quand il rend des arrêts de cette sorte, il sait les exécuter. Souvenez-vous du 10 août ! » M. Considérant n’a-t-il pas proposé à ses collègues de la montagne 1° de faire déclarer, séance tenante, le pouvoir exécutif déchu ; 2° de faire déclarer la majorité complice de la violation de la constitution ; 3° de constituer en permanence l’assemblée, réduite à ce que M. Considérant appelait les représentans constitutionnels ? La violence et la force brutale, voilà donc les armes du parti, et les souvenirs qu’il invoque sont ceux des jours où la violence l’a emporté sur le droit, où la minorité, à l’aide de l’émeute, a vaincu la majorité. Nous savons bien que ces appels à la force ne réussissent pas toujours au parti. Il a été battu le 24 juin 1848, il a été battu le 13 juin 1849 ; mais n’oublions pas qu’il lui suffit d’une seule victoire pour réparer tous ses échecs. La société est tenue de gagner toutes les parties sous peine de périr ; le parti factieux, au contraire, n’a besoin que d’une victoire pour tout gagner. Les chances ne sont