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ils l’avaient dans le gouvernement parlementaire. Pendant trois ans, le président peut tout ce qu’il veut ; au bout de trois ans seulement il est destitué, qu’il ait bien ou mal usé de sa dictature triennale. Vous verrez que nous serons forcés de le faire roi ou empereur irresponsable ou inviolable, afin de rendre un peu de liberté et de force au pouvoir législatif et au pouvoir électif.

On ne connaît les constitutions qu’à l’usage. Les gens qui jugent sur les mots s’imaginaient qu’un pouvoir responsable était plus dépendant qu’un pouvoir irresponsable. C’est tout le contraire, et si les idées qui avaient cours dans l’opposition constitutionnelle, pendant les dernières années de la monarchie avaient prévalu dans la constitution de 1848, s’il n’y avait pas eu un flux de préjugés grossiers et d’idées ignorantes, qui est venu tout submerger et substituer les théories creuses des mauvais jours de la révolution aux doctrines libérales et politiques de la monarchie constitutionnelle, nous sommes convaincus qu’on n’aurait pas fait la faute de créer une présidence responsable, c’est-à-dire toute-puissante On savait, en effet, que même dans des ministres soumis au contrôle de la majorité, la responsabilité confère la toute-puissance temporaire, et cela est surtout vrai dans un gouvernement centralisé comme le nôtre. Les ministres, y disposant de tous les emplois et se trouvant par là les arbitres du sort de beaucoup de personnes, se croient aisément tout-puissans. La dépendance où ils se sentent de la majorité est la seule chose qui contienne leur toute-puissance. Inventez maintenant une combinaison ou une constitution dans laquelle les ministres ne dépendront plus de la majorité, dans laquelle surtout un pouvoir supérieur au leur et responsable comme eux pourra les faire, et les défaire à sa volonté et devenir, pour ainsi dire, ministre suprême ; faites que ce ministre suprême, qui pourra nommer à tous les emplois et faire le bien ou le mal de je ne sais combien de familles, soit lui-même indépendant de la majorité, qui ne peut le contrôler qu’en le brisant et en brisant peut-être avec lui le plus grand ressort de la machine sociale, et dites-nous maintenant ce qu’il reste encore du gouvernement, parlementaire.

Nous venons de pousser la constitution de 1848 à ses effets extrêmes, afin de la bien caractériser. Les choses assurément n’en sont pas là. Le 31 octobre a seulement montré que le ministère désormais dépendait du président de la république beaucoup plus que de la majorité de l’assemblée nationale. C’est un fait considérable.

À Dieu ne plaise que nous soyons disposés à triompher de ce fait, nous serions plutôt d’humeur à nous en affliger par deux raisons : la première, c’est que, comme le grand nombre, nous avons encore les habitudes du gouvernement parlementaire, et qu’il est toujours désagréable de changer ses habitudes, surtout quand on les croit bonnes ; la seconde, c’est que nous défendions le ministère contre la mauvaise humeur de nos amis, et que nous ne pouvons guère applaudir à sa chute. Nous pensons même que, dans la majorité, il y a peu de personnes maintenant qui s’applaudissent de cette chute, puisque surtout ils ne l’ont pas faite ; et que le ministre est tombé eux, nous allions presque dire, contre eux.

Quel que soit l’avenir du gouvernement parlementaire, le dernier ministère aura une place honorable dans les annales de ce gouvernement, et s’il est le dernier ministère de ce genre de gouvernement, il n’aura certes rien fait