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l’a déjà remarqué, l’œuvre de Meyerbeer, par une bizarre coïncidence, peut donner lieu à un triste retour vers les coupables folies de notre époques à un rapprochement inévitable entre le prétendu apostolat de nos socialistes, et celui des anabaptistes du XVIe siècle ; mais la partition de Meyerbeer n’a pas besoin que l’on cherche ainsi, dans les événemens contemporains, le commentaire de cette sombre page du passé. Chaque représentation fait mieux apprécier, mieux comprendre les beautés sévères, le sens profond de cette œuvre magistrale, dont la tristesse majestueuse sied bien à notre époque, et qui a trouvé dans Mme Viardot une touchante interprète.

C’est un plaisir moins austère, une mélodie plus accessible, que l’on va demander au Théâtre-Italien. Ce théâtre a rouvert ses portes, et le public, jusqu’à présent, ne lui a pas fait défaut. I Capudetti, Lucia, l’Italiana in Algeri, nous ont tour à tour, montré des artistes déjà connus et applaudis, auxquels est venue s’adjoindre une nouvelle cantatrice, Mlle Elena d’Angri. La voix de Mlle d’Angri est un contralto peu caractérisé, manquant de timbre et de douceur dans les notes élevées, mais qui, dans le medium et les notes bases, a de la langueur et du charme. Elle réussit moins dans les morceaux qui exigent de l’agilité, du brio et de la verve, que dans les andantes, dans les passages où la voix peut s’attarder pour caresser la mélodie, en faire ressortir les demi-teintes et la recouvrir d’une sorte de voile harmonieux et transparent. Mais hélas ! où est le talent si pur, la voix si enchanteresse de Mlle Alboni ? Qui nous rendra ces sons si veloutés, si doux, cette caresse chantée, ce mélange de force et de grace, aussi étonnant dans le Brindisi de Lucrezia que dans le duo de Semiramide ou la cavatine de Cenerentola ? En général, ce qu’on regrette de ne pas trouver dans la troupe italienne de cette année, c’est la jeunesse ; c’est quelqu’un de ces talens qui en sont encore aux promesses, dont le public parisien aime à saluer l’avènement, à encourager les progrès, et qui, au milieu de leurs gaucheries naïves, vous attirent et vous plaisent par ce grain charmant, par ce timbre frais et pur dont rien n’a altéré encore la sonorité. Il y a dans le roman de Metella un passage que devraient méditer les impresarii : c’est celui où Olivier, mis en présence de cette beauté célèbre qui a servi de modèle à tous les artistes et de muse à tous les poètes de l’Italie, se souvient tout à coup de quelque vermeille figure de dix-huit ans, et prononce tout bas cet arrêt inexorable : « Elle n’est plus jeune ! » Trop de voix, trop de talens, parmi ceux ne nous avons retrouvés au Théâtre-italien, nous ont fait penser à Metella. N’importe ! dans un moment comme celui-ci, on doit encouragement et concours aux efforts, à la persévérance de ces artistes éminens ; on doit aussi rendre justice à l’activité de l’Opéra-Comique dont l’heureuse veine continue, et qui, pour alterner avec le succès de la Fée aux Roses et les triomphes de Mme Ugalde, vient de nous donner un joli petit acte : Le Moulin des Tilleuls. En écrivant la musique de ce léger opéra, M. Maillard, l’auteur de Gastibelza, a passé de M. Hugo à Berquin. La distance est grande ; mais sur un fond très fade d’amours champêtres, de reconnaissances sentimentales, qui rappelle à la fois les bergers de Florian et les grognards du Gymnase, le compositeur a brodé une musique élégantes, pleine de fines ciselures, et où un délicat travail d’orchestre fait mieux ressortir encore la race des mélodies.

Si l’on ne savait que Rose et Colas et autres pastorales du même genre