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général, et doivent, nous le savons, en faire le complément ; nous avons toutes les peines du monde à nous figurer des professeurs de lettres, de droit ou de médecine, obligés, pour examiner leurs propres élèves sur leur propre enseignement, d’aller chercher au dehors des examinateurs libres, qui ne seront au courant ni de leurs doctrines ni de leurs méthodes. Nous nous demandons ce que deviendra, sous un pareil régime, l’unité de l’enseignement, le respect dû à l’autorité du professeur. N’aurons-nous pas ainsi à tous les degrés deux pouvoirs jaloux côte à côte, s’appliquant à se décrier mutuellement, à se contrarier en détail, l’un absolvant où l’autre condamne, l’un toujours facile là où l’autre est toujours sévère ? Quel spectacle pour les élèves ! Et que deviendra surtout, dans les confits qu’il ne pourra manquer de faire naître ; l’intérêt commun des études, qui ne profite pas d’ordinaire à l’avilissement de l’autorité dirigeante ? L’Université est donc assez fondée à voir dans tous les projets de ce genre le germe d’une assez funeste anarchie.

Mais, d’un autre côté, la liberté n’est pas si mal venue dans ses plaintes. La liberté d’enseigner, c’est apparemment la liberté d’enseigner comme on veut et ce qu’on veut. La liberté des méthodes, des objets et de l’esprit de l’enseignement est une partie essentielle de la liberté d’enseignement : c’est au fond ce qui en fait le prix et doit lui donner vie. Si les institutions privées ne doivent faire autre chose que d’être la pâle copie des institutions de l’état, que de répéter son enseignement d’un ton affaibli, ce n’est pas la peine de les affranchir. C’est leur donner l’existence en les condamnant à mourir d’inanition ; c’est leur ôter leur vrai mérite, celui de pouvoir être les éclaireurs de la science dans des voies nouvelles. Or, on a beau dire, dans la loi actuelle comme dans toutes les précédentes, que le conseil de l’instruction publique ne les fera surveiller qu’en ce qui touche l’hygiène et la moralité, et laissera leurs méthodes entièrement libres, si les choses doivent se passer rigoureusement ainsi, pourquoi est-ce ce conseil et non pas le préfet qui s’en charge ? La moralité et la salubrité publiques ne sont-elles pas du ressort habituel de l’administration et de la justice, de la justice pour les délits définis et tombant sous les termes précis des lois, de l’administration pour tous les manquemens vagues dont le fait est insaisissable et la tendance seule répréhensible ? Le conseil de l’instruction publique aura, en fait de méthodes d’enseignement, des prédilections inévitables ; il aura des systèmes, des partis pris ; on peut assez légitimement craindre qu’il ne s’y abandonne dans la surveillance des établissemens libres. Il y a plus : l’obligation des grades, à la bien prendre en elle-même, qui entraîne la nécessité d’un programme d’études, ne contient-elle pas au fond toute méthode d’enseignement ? En prenant le programme des examens de la faculté de droit de Paris par