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en effet, est l’élément vital d’une philosophie, comme l’autorité est la pierre angulaire d’une religion. Comme la religion s’écoule sans autorité, la philosophie sans discussion se dessèche et languit. À la place donc de la chaire unique et dogmatique de philosophie des collèges, nous voudrions voir dans les facultés des chaires voisines et rivales, où les divers systèmes philosophiques, astreints seulement à respecter les lois communes de la morale et à ne jamais outrager les cultes reconnus, pourraient se livrer à ces combats de la pensée d’où jaillit la lumière. Et parmi ces chaires diverses, savez-vous celle que nous voudrions aussi voir s’élever ? Au risque de surprendre le public par une idée étrangère à ses habitudes, nous le dirons : ce serait une chaire de philosophie chrétienne et catholique même de profession, où le sens intime des dogmes, leur rapport avec la raison naturelle, leur accord avec l’analyse intime de l’ame humaine, et les misères de sa destinée, seraient exposés et défendus sous les yeux et avec le contrôle de l’autorité ecclésiastique. On y verrait, en un mot, la raison naturelle marcher dans les sentiers du dogme, à la lumière et avec l’appui de l’église. Je ne vois pas pourquoi la philosophie de saint Anselme et de saint Thomas n’aurait pas de chaire à Paris, comme celles de Reid et de Condillac. Personne ne serait forcé de la suivre, mais chacun aurait le droit de s’en tenir à celle-là. Cette chaire pourrait être à la fois l’espoir des familles et la gloire de la religion. Elle montrerait d’une part que la religion ne redoute aucune comparaison et ne se soustrait à aucun combat, et de l’autre elle serait l’asile de tous les chrétiens timorés que l’agitation des débats philosophiques effraie. Que les défenseurs du libre examen veuillent bien en effet ne pas l’oublier, il n’y a que les libertés révolutionnaires dont on soit forcé d’user malgré soi. Les libertés libérales sont plus généreuses, et la liberté de penser, bien entendue, s’étend jusqu’au droit de ne pas penser librement.

Tout ce plan d’éducation supérieure suppose, comme on l’a déjà pu remarquer, que les diverses facultés sont unies entre elles, qu’elles sont ouvertes dans le même lieu et mieux encore dans le même bâtiment, qu’une même autorité les régit, qu’elles font partie en un mot du même système d’éducation. C’est là une condition indispensable, et avons vu dans quels termes énergiques M. Cousin la réclamait dès 1833 ; mais, malgré les efforts intelligens qui ont été faits dans ce but par cet homme éminent lui-même pendant son court ministère, et que ses successeurs ont poursuivis avec zèle, ce résultat est loin d’être obtenu. Nous avons encore, par une combinaison dont on n’admirera jamais assez la bizarrerie, des facultés de sciences dans une ville et des facultés de lettres dans une autre ; une faculté de médecine de Montpellier et une faculté de droit à Aix, une faculté des lettres à branches éparses qui n’ont pas de tronc, ce dont on s’aperçoit