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Des deux années d’études générales, l’une serait entièrement consacrée au perfectionnement littéraire, à la critique historique et aux élémens de la philosophie. Les cours seraient les mêmes uniformément pour tous les élèves.

Dans la seconde année, la diversité de professions futures se manifesterait déjà. Il y aurait encore des cours communs de littérature et de philosophie, mais ils ne rempliraient pas tout le temps des élèves ; il en resterait à l’avocat futur pour commencer à s’initier aux généralités du droit, au médecin pour entrer dans les recherches des phénomènes de la nature physique ; chacun des élèves se tournerait déjà vers sa vocation personnelle, tout en conservant entre avec les autres un lien de communauté. L’étudiant en droit commencerait les Institutes, tout en suivant un cours de droit naturel. L’étudiant en médecine ferait marcher de front l’anatomie et la psychologie, et serait forcé de tenir compte de l’ame, tout en s’occupant du corps. Ainsi se déroulerait à leurs yeux le rapport qui unit les diverses sciences entre elles, et la pratique découlerait de la source élevée des principes.

Dans les deux ou trois dernières années, la séparation serait consommée ; chacun ne songerait plus qu’à son affaire. Les cours de sciences et des lettres approfondies pour les professeurs, les cours de médecine, les cours de droit (dont on pourrait distraire quelques partie pour les administrateurs futurs, et les remplacer par l’économie publique, les finances, et tout l’ensemble des connaissances politiques), formeraient, comme aujourd’hui, autant de facultés séparées qui s’empareraient exclusivement du travail des étudians. Cependant le seul fait qu’elles seraient rattachées à une même origine maintiendrait entre elles, à travers la diversité de leurs poursuites, une certaine fraternité d’idées, et comme une sève commune. Elles donneraient à l’esprit de leurs élèves le sceau d’une unité profonde de sentimens bien supérieure à cette uniformité monotone que la centralisation promène sur les intelligences en les déprimant.

Nous ne saurions trop insister sur la nécessité de s’emparer ainsi fortement, par un enseignement animé, de l’imagination, et de l’ardeur de l’adolescence. On n’étouffe point cette imagination, on n’éteint pas cette ardeur ; le sang et l’âge ont leurs droits. Il faut que la jeunesse appartienne à l’étude, ou elle sera la proie des plaisirs et le jouet des faux systèmes. Si la ferveur juvénile échappe aux docteurs de l’éducation publique, d’autres la rencontrent dans la rue et s’en emparent. Les sens trouvent leur chemin quand vous laissez égarer l’ame ; le sophisme remplit tous les vides de la raison. Les chaires que vous n’ouvrez pas se transportent dans les cafés ou dans les souterrains des sociétés secrètes. Mais tout dépend, va-t-on dire, du langage qu’on leur tiendra. Si la littérature dont on occupe les jeunes gens ne leur présente que des peintures sensuelles, si la critique historique, trop