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par conséquent sans être spécialement connu de l’autorité qui le désignerait. Quant à l’école du chef-lieu de canton elle-même, plus considérable comme nombre d’élèves, et par conséquent comme revenu, exigeant nécessairement un peu plus de connaissances, elle serait réservée comme récompense à l’un de ces mêmes instituteurs après cinq ou dix ans d’exercice et de rapports constamment favorables. Les écoles de commune formeraient par conséquent elles-mêmes un second degré de stage, préparant à l’école plus élevée du canton. L’amovibilité serait pleine et entière pour les instituteurs de commune qui sont encore à l’essai ; elle serait soumise à quelques formalités judiciaires pour les instituteurs de canton qu’on suppose déjà plus éprouvés. Le bienfait absolu de l’inamovibilité ne serait accordé qu’à l’instituteur du chef-lieu d’arrondissement, poste qui formerait comme le dernier degré de l’échelle d’une petite hiérarchie, difficile à atteindre, puisqu’il serait unique, comme une sorte de bâton de maréchal de cette carrière modeste qui ne serait obtenu qu’après des services reconnus.

Le mérite, à nos yeux, de cette ébauche d’organisation serait de réduire les perspectives du maître d’école, dès le début, à des limites très étroites et à un but très précis. Il ne serait point appelé à sortir des bornes d’un arrondissement, souvent même d’un canton. Dans cette pensée, contrairement au projet de loi de l’assemblée nationale, qui transporte le comité supérieur d’instruction primaire, c’est-à-dire l’autorité qui nomme, surveille et destitue les instituteurs, au chef-lieu de département, nous le laisserions, comme il est aujourd’hui, avec plus d’autorité seulement, au chef-lieu d’arrondissement. Nous voyons deux avantages à borner ainsi à l’arrondissement toute la hiérarchie de l’instruction primaire : le premier, c’est d’établir une surveillance plus facile et plus personnelle en en restreignant le champ ; le second, c’est de ne jamais éloigner l’instituteur du cercle de ses habitudes du cercle pour tout dire, du voisinage de ses parens. Du moment qu’ils ne seraient pas artificiellement brisés, les sentimens naturels reprendraient leur empire. L’avantage comme l’agrément de se trouver au milieu des siens de servir de soutien à son vieux père, de mêler ensemble leurs économies, le porterait naturellement à rechercher la place d’instituteur dans sa propre commune, et un comité supérieur un peu intelligent ne ferait pas difficulté de la lui accorder. Nous n’aurions plus alors de ces instituteurs nomades, qui, mal à l’aise dans leurs demeures isolées, font des cafés de village leur séjour habituel. La place d’instituteur redeviendrait ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : une occupation rurale comme une autre. Au village, le maître serait le camarade de tous ses élèves ou le frère de quelques-uns d’eux. Toute émulation ne serait pourtant pas découragée ; quelque espoir d’avancement, quelque crainte sérieuse de destitution, subsisteraient,