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toute la classe aisée et le cinquième de la population totale. L’avenir dira si ce fait doit avoir, comme nous le croyons, des conséquences morales et politiques. Il est temps que nous abordions le dernier point qui nous reste à traiter : nous avons en effet à expliquer comment la prospérité des États-Unis n’a encore souffert et ne nous paraît devoir éprouver d’ici long-temps aucun ralentissement.


IV

Si l’on nous demandait quelles sont les causes principales des progrès rapides des États-Unis, nous mettrions sans hésiter au premier rang deux causes morales : l’instruction, répandue et développée par l’organisation la plus généreuse et la plus complète de l’enseignement ; la moralité, entretenue et fortifiée par la foi religieuse. — Rien, en Europe, ne peut donner l’idée des résultats que produisent, aux États-Unis, l’indépendance absolue de la religion et la sécularisation absolue de l’enseignement. — Mais, avec M. Carey, nous n’avons débattu que les causes matérielles : cet écrivain prend pour critérium de la bonne organisation d’un pays l’accroissement de la population. Nous avons fait justice de ses chiffres tout-à-fait fantastiques, nous rejetons également son principe. À ce compte, en effet, les jeunes états de l’ouest ; dont la population double tous les dix ans, présenteraient un état social plus parfait que les états de la Nouvelle-Angleterre, où l’accroissement dans la même période varie de dix à vingt pour cent. M. Carey lui-même reculerait devant cette conséquence de sa pensé.

Nous n’admettons pas davantage qu’il y ait aux États-Unis plus de sécurité pour les personnes qu’en Europe. M. Carey objecte à la France les insurrections des 5 et 6 juin 1832 et 13 avril 1834 à Paris, et l’insurrection de Lyon : il aurait beau jeu aujourd’hui à continuer ce catalogue. Il suffit, pour lui répondre, de rappeler les troubles de Baltimore et de Philadelphie, le sec du couvent des ursulines à Boston, la guerre civile des Dorristes dans le Connecticut, la récente émeute de New-York. Nous faisons grace à M. Carey de toutes les émeutes et de toutes les tragédies sanglantes qui pourrait nous fournir l’histoire des états de l’ouest. Nous sommes plus loin encore d’admettre qu’il y ait en France moins de sécurité pour les propriétés qu’aux États-Unis. Nous n’objecterons pas à M. Carey l’insuffisance de la police américaine, insuffisance si manifeste, qu’il a suffi récemment à la Pensylvanie d’améliorer un peu l’organisation de police pour doubler, dès la première année, le chiffre des condamnations pour vol : nous nous contentons d’invoquer que le souvenir des Anti-Renters de New-York, qui, depuis des années, détiennent impunément la propriété d’autrui et bravent le gouvernement et la législature de l’état. Nous rappellerons aussi qu’un tiers des états de l’Union ont refusé de payer les intérêts de leur dette,