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dont l’auteur s’attacherait à faire l’éloge de nos qualités physiques, intellectuelles et morales, de notre passé, de notre présent, de notre avenir, de nos institutions, de nos lois et de nos mœurs, de notre commerce, de notre agriculture, de notre industrie, etc., etc., ne serait point appelé à un grand succès ; nous parierions plutôt pour la contre-partie de l’ouvrage. L’Américain, au contraire, s’enivre à longs traits de perpétuels éloges et c’est chaque fois pour lui un ravissement nouveau. Cette soif de l’adulation est entretenue et développée chez lui par l’action de deux causes puissantes, la jeunesse, qui, chez les peuples comme chez les individus, est pleine d’elle-même, et l’orgueil inhérent à toute démocratie. Il fallut, à Athènes, changer le lieu des délibérations publiques, parce que les orateurs tournaient la tête au peuple en appelant sans cesse ses regards sur son port rempli de navires, sur ses immenses arsenaux, sur toutes les preuves de sa gloire ; et de sa puissance. Un tel remède serait impossible aux États-Unis ; de quelque côté qu’on jette les yeux, à quelque point de vue qu’on se place, on est forcément frappé du spectacle d’une prospérité inouie et d’une grandeur qui s’accroît chaque jour. On ne saurait trouver mauvais, après tout, que ce peuple, séparé par l’Océan du vieux monde, qui est demeuré le dispensateur de la gloire, se fasse lui-même le chantre de ses progrès et soit pour toute voix amie l’écho le plus retentissant. La courtisanerie s’en mêle ensuite, et les flatteurs exploitent la faiblesse populaire. Depuis le message du président jusqu’au rapport du dernier commis des postes, tout document officiel doit être envahi aux trois quarts par l’éloge des institutions, des mœurs et de la prospérité américaines. C’est aussi le début obligé de tout article de journal ; c’est la source indispensable où le ministre doit puiser ses allusions, s’il veut être un prédicateur populaire. Comment peut-on espérer que les écrivains échappent à la contagion, et qu’ils ne subissent pas la loi commune, s’ils veulent trouver un libraire et des acheteurs ?

Rien ne donne, sur les États-Unis, des renseignement plus précis et des idées plus justes qu’un petit volume in-12, qui paraît tous les ans sous le titre d’American Almanac et qui coûte 1 dollar. C’est un relevé annuel fort clair et fort méthodique de tous les renseignemens statistiques épars dans les documens officiels que publient, soit le gouvernement central, soit les autorités des divers états. On ne trouve guère dans ce livre que des chiffres, mais ils sont éloquens. Quant aux auteurs américains, il ne faut, nous le répétons, accepter leur témoignage qu’après examen et avec une extrême réserve. Nous citerons comme exemple un livre qui jouit de quelque réputation aux États-Unis. On n’est point disposé d’ordinaire à se défier des économistes, quoiqu’ils aient fait preuve, dans ces derniers temps, d’une imagination qu’on ne leur attribuait pas. Voici pourtant M. Carey, un écrivain