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prévenir le désordre qu’en nous soumettant. Je répète que s’il y a du bruit ; il sera court et léger. Quelques gens crieront à la diète prochaine de convocation, mais ils ne seront pas soutenus, vos princes de Saxe n’auront point d’appui : le Turc est trop difficile à émouvoir, les cours de Vienne et de Versailles craignent de recommencer la guerre ; nous avons de bonnes preuves que la dernière, quoi qu’en ait dit son ambassadeur, prend très peu d’intérêt à ce qui arrivera ici les autres puissances en prennent encore moins ou sont trop éloignées ; ainsi, tout se terminera aisément, et dans un an vous viendrez demander au stolnick une starostie pour votre mari[1]. »

Malgré la résistance de quelques magnats, l’heure du nouveau règne était arrivée. La Pologne allait revoir encore les rites sacrés, les symboles vénérables qui accompagnaient depuis des siècles l’élection de ses rois ; mais, si les formes en furent maintenues, l’antique esprit n’était plus là pour les ranimer : elles brillèrent un moment comme ces cadavres qui, long-temps déposés sous les voûtes d’un caveau, reparaissent au grand jour et étalent aux yeux étonnés des générations nouvelles l’apparence de la vie et le costume d’un autre âge ; mais, au plus léger souffle de l’air extérieur, tout se dissout, tout tombe en poussière.

Ainsi la vieille Pologne fut exhumée pour cette exposition d’un moment. C’était bien elle, c’était bien là son allure oligarchique et guerrière ; c’est bien là le champ de Vola ; l’enceinte est toujours tracée à trois lieues de la capitale ; les courtines du Szopa, dressées dans toute leur pompe asiatique, s’ouvrent au primat, aux ministres, aux sénateurs ; l’ordre équestre accourt à cheval, le vent joue dans ses bannières, le soleil dans ses armes, dans ses joyaux, dans les couleurs chatoyantes des dolmans et des aigrettes ; on entend toujours des clameurs, des hourras, le cliquetis traditionnel des sabres, mais le sang ne coule plus comme au bon temps ; un ordre parfait règne dans l’assemblée, entretenu par mille baïonnettes russes, invisibles, quoique présentes et soigneusement échelonnées autour de Varsovie. Les palatines, les starostines, les castellanes, ne parcourent plus les rangs pour animer à la lutte des époux, des amans, des frères… Tranquilles, inoccupées, elles se promènent au milieu du champ d’élection, ainsi qu’en une joyeuse kermesse ; elles le traversent en riant, tandis que le vieux primat, blotti sous un palanquin chinois, s’arrête devant les plus gracieuses et leur demande à qui leurs belles mains décerneraient la couronne. Une seule cérémonie fut plus sincère, plus vraie que jamais : les diplomates étrangers parurent dans la diète ; ils proposèrent leurs candidats, simple

  1. Paulmy à Praslin. — Archives des affaires étrangères.