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Schmidt. Cette planche de Schmidt est une copie littérale et trait pour trait ; la seule différence, c’est que, n’ayant point été exécutée au miroir, la figure est vue du côté opposé. Mais, pour sortir du cabinet de Bussy, le portrait en était-il plus ressemblant ? J’en doute, car, indépendamment de la différence totale de certains traits sur lesquels cependant dix années de plus n’ont point de prise, la charpente de la tête, caractère fondamental qui, s’il change, ne change que très peu et très tard, diffère essentiellement de celle qu’a rendue Nanteuil. Or, ce grand artiste, l’homme exact par excellence, avait dessiné son modèle d’après nature, tandis que tout induit à croire qu’il n’en avait pas été de même de l’auteur du portrait rival. Cet auteur était un peintre plus adroit que fidèle, nommé Louis Ferdinand, que ses agréables mensonges avaient mis long-temps en vogue à la cour de Louis XIV.

D’autres portraits authentiques de Mme de Sévigné s’ajoutaient à ceux dont nous venons de parler : l’un était cette miniature en pied célébrée, vers 1656, en un sonnet italien de Gilles Ménage ; l’autre, un délicieux émail de Petitot, non encore gravé et qui, pour les traits et la physionomie, tient en plus jeune du pastel de Nanteuil. Cet émail est au Louvre. On prétend que Mignard peignit également Mme de Sévigné, et que la peinture originale décore le château des Rochers, près Vitré. Je n’ai point vu ce prétendu original de Mignard ; je n’en connais qu’une affreuse lithographie faite à Rennes, et conservée au département des estampes de la Bibliothèque nationale. Elle est signée Al. Paillard, et ne représente, à vrai dire, qu’une vieille servante d’auberge, au front fuyant et déprimé. Profanation étrange, s’il n’y avait plutôt à voir dans ce fait une monstrueuse méprise de l’ignorance[1] ! Ce n’est pas que Mignard l’Avignonnais, dont on a un portrait de la plus jolie fille de France, Mme de Grignan, n’ait tout aussi bien pu peindre Mme de Sévigné, qu’il vit assez fréquemment avec sa fille à Paris, à Aix et à Marseille. À la vérité, l’abbé de Monville, qui parle, dans sa Vie de Mignard, du portrait de cette dernière, ne cite nulle part un portrait de la marquise ; on ne saurait néanmoins en tirer une conclusion négative, car son livre, plein de lacunes, ne fait point suffisamment autorité. Dans tous les cas, s’il y a de ce peintre une image de Mme de Sévigné, c’est celle que sa fille avait placée dans le château de Grignan, près Montélimart, et que le propriétaire actuel des restes du château, M. Léopold Faure, a rachetée des paysans, qui s’en étaient emparés en 1793. Cette image, rétablie maintenant en son lieu primitif, est une bonne peinture dont quelque jour la gravure saura tenir compte.

Entre toutes ces effigies, chacun choisissait à sa guise, quand il en parut une

  1. Ce qui est aussi étrange, c’est la légende de cette lithographie, qui porte Marie Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné, née en 1549 morte en 1610, etc. Le savoir biographique de l’auteur vaut son dessin. Depuis que la renommée de Mme de Sévigné est devenue européenne, l’étranger nous a enlevé plusieurs de ses portraits. Ainsi Horace Walpole, connu pour sa dévotion à la marquise, était venu à bout de s’en procurer en France une bonne peinture originale au-dessous de laquelle il avait écrit cette invocation : Notre-Dame de Livry, priez pour nous. Quant au portrait peint à l’huile qu’on voit à l’hôtel Carnavalet, et qu’on attribue au graveur Nanteuil, qui a peint au pastel et n’a jamais tenu le pinceau, c’est une toile évidemment, moderne, pâle copie du beau pastel de Nanteuil, qui du cabinet de M. Traullé passa dans celui de M. Villenave.