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LES


APOCRYPHES DE LA PEINTURE


à propos de l’émail de petitot
gravé en tête de l’histoire de madame de maintenon


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Il y a long-temps que je ne crois plus aux galeries italiennes ; il y a plus long-temps que je me méfie des portraits, sans en excepter ceux que nous a légués l’antiquité. À défaut de peintures, il nous reste nombre de bustes et de statues dont on n’a pas toujours le moyen de confirmer la sincérité par la confrontation avec d’autres monumens contemporains, ou que les médailles contredisent. Pline l’Ancien avoue même qu’on avait fait exécuter d’imagination les bustes de grands hommes dont on n’avait point les effigies. Homère était du nombre, de même qu’Hippocrate. Après un tel aveu, quelle est la foi assez robuste pour accepter la responsabilité de la tradition à l’endroit de tout ce Parnasse en marbre de Paros, qui resplendit dans nos musées ? Cela sent quelque peu sa légende. Ne sait-on point d’ailleurs que, jetées bas et mutilées par les barbares, enfouies sous les décombres et sous la poudre des temps, ces statues se sont trop souvent relevées avec des têtes empruntées à d’autres débris ? Il y a mieux : le sophiste Dion Chrysostome, qui florissait dans la seconde partie du Ier siècle de notre ère, reprochait aux Corinthiens de décapiter leurs statues pour en changer les personnages. Il adressait le même reproche aux Rhodiens. Saint Jérôme, à son tour, qui vivait au IVe siècle, rapporte qu’à la mort ou à la défaite d’un tyran, le vainqueur faisait ôter la tête du vaincu de toutes ses statues et de toutes ses images, pour y substituer la sienne propre, sans toucher au reste de la figure.

Comment donc croire aveuglément aux portraits ? Les fausses attributions en sont tellement innombrables ! on en a tant baptisé ! qui ne l’a fait ? Vous et moi peut-être ! Les annales de la peinture de portrait, si jamais on avait la patience de les recueillir, donneraient de nombreux démentis à la crédulité qui, sur la