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une patrie. L’Europe ne pouvait refuser son admiration à notre politique conservatrice, protectrice de tous les droits, et si ménagère du sang humain. Nulle part l’étranger ne trouvait plus de liberté réelle, plus d’égalité : les attaques si violentes de l’opposition lui semblaient des luttes factices, un simple exercice des partis. Que s’il restait encore à la liberté quelques conquêtes à désirer, c’était l’affaire du temps, de la volonté nationale et du jeu libre de nos institutions. Est-il une disposition fondamentale et sérieusement utile de la république (le nom seul excepté) que la France n’eût pu obtenir sous la constitution de juillet, dès que le besoin général en eût fait une loi ? On sentait bien dans les profondeurs de la population rugir d’implacable haines, résultat forcé de nos longs troubles, et qui, dans leur aveuglement, invoquaient des principes féroces et destructeurs ; mais quelle nation est à l’abri de cette lèpre, et pourquoi la société a-t-elle des armes, si ce n’est pour faire justice des éternels ennemis de tout ordre social ? De tout temps, la commune et les septembriseurs ont existé en germe ; depuis Étienne Marcel jusqu’au citoyen Caussidière, depuis le comte de Saint-Pol et sa compagnie de bouchers jusqu’au citoyen Barbès et ses redoutables bandes, tout chef de faction peut d’un mot faire sortir des boues et des pavés de la capitale l’élément féroce toujours prêt à la destruction. Révolutionnaires de toutes sortes, l’ignorez-vous donc ?

Sur le sol étranger, si l’ame s’exalte à tout ce qui glorifie la pairie, comment redire les étreintes dont on est saisi dès qu’elle s’abaisse ou s’humilie ? Quelle amertume pour nous que de voir les noms de l’opposition légale associés et servant de bannière aux manifestations des destructeurs de l’état social ! La royauté disparaissant du sol de la France, emportée dans la suite d’un vieillard brisé par l’âge et le chagrin ! Tous les grands pouvoirs de l’état s’effaçant dans la poussière, sans qu’un cri s’élevât pour protester, devant une poignée d’hommes sans nom, sans caractère, sortis, Dieu sait d’où ! L’armée, la noble armée française, dont l’éclat est si prestigieux dans le lointain, ces régimens si fidèles et si braves, se laissant enlever leurs armes et traiter comme des mannequins par des enfans qui s’en faisaient un jeu ! Des généraux illustrés sur les champs de bataille assistant l’arme au bras à la destruction des derniers défenseurs de l’ordre ! L’héritier du trône, un enfant, au sein même de la représentation nationale, menacé du couperet d’un égorgeur ! Un ancien garde du corps, un poète qu’inspirait et soufflait en cet instant un acteur de mélodrame, donnant tout à coup une voix à ce chaos, et député de la France, quand son serment l’appelait à la tribune pour y flétrir les violateurs du sanctuaire des lois, se faisait l’ame de ce désordre impie, et s’en allant proclamer la république au nom de ce peuple qu’on ne voit qu’aux heures sinistres