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clare qu’elle reconnaîtra pour roi de Pologne et pour allié de sa couronne, que même elle soutiendra et protégera quiconque sera élu par le choix libre de la nation, et conformément aux lois et aux constitutions du pays. »


Le ministère Choiseul avait cru habile de concerter une pièce officielle de telle sorte qu’elle pût présenter à la fois une déclaration de neutralité et une vague promesse d’assistance. Un manifeste autrichien accompagna celui de la France. Kaunitz, il faut le dire, avait d’abord rejeté cette combinaison. Pressé par le cabinet, de Versailles, il finit par associer sa souveraine à la démarche de Louis XV ; mais, plus habile ou plus humaine, Marie-Thérèse ne parla point de secours.

Si le duc de Choiseul avait calculé l’effet de son manifeste sur des gens toujours portés à l’espérance, même sous le coup les mieux faits pour l’anéantir, il ne l’aurait point hasardé avec une légèreté qui lui était trop habituelle. L’effet en fut immense. Lorsque ce projectile éclata au milieu de la diète de Graudentz, des cris de joie et de fureur s’élevèrent à la fois dans toute la Pologne. Tous les partis toutes les passions s’emparèrent à l’envi de la déclaration française. Braniçki, Radziwil, se dirent sauvés et proclamèrent d’avance leur triomphe, garanti par toutes les forces de la France et de l’Autriche. Poniatowski, les Czartoriski, demandèrent l’entrée immédiate des Russes à Varsovie. Le grand-général y courut ; les Russes l’y suivirent ; il y entra par une porte les Russes par une autre ; eux, en bon ordre, au nombre de dix mille ; lui à la tête d’une troupe confuse de Cosaques et de heiduques, de Hongrois et de Tartares stipendiés. Avant de combattre, les deux partis ennemis entrèrent en pourparlers comme les héros d’Homère. On se demanda, d’une part, pourquoi le grand-général violait les lois qui lui défendaient de quitter la frontière et de conduite des troupes aux lieux où siège la diète ; de l’autre, pourquoi une armée étrangère assiégeait la capitale du royaume ? Tout le monde récriminait, personne n’agissait. Partout s’élevaient des appels à la légalité, des protestations contre la violation du sol. Le primat lui-même, quoique, instrument des Czartoriski, fut obligé d’en demander compte aux envoyés de Catherine II. Elle en avait deux (le comte Kayserling et le prince Repnine), comme Louis XV en avait trois (le marquis de Paulmy, ambassadeur, Hennin, résident-général, Monet, consul, les deux derniers affiliés à la correspondance secrète de Louis XV). Les agens français se dénonçaient et les agens russes s’entendaient et s’entr’aidaient. Ceux-ci répondirent au primat par des lieux communs, alléguant la nécessité où se trouve tout propriétaire de préserver sa maison de l’incendie du voisinage et terminèrent la conférence par ces mots devenus sacramentels : Il faut garder les magasins. Alors chacun des