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allemande, telle que la Prusse voulait la constituer : « Nous la ferons avec tous, avec beaucoup, ou avec peu ; mais nous la ferons. » Le mot était fier il était possible quand il été dit ; il devient chimérique aujourd’hui. L’union de la Prusse et de l’Autriche est aujourd’hui la seule unité possible de l’Allemagne. C’est un singulier dénoûment de tant d’espérances et de tant de complications ; mais c’est un dénoûment : il n’est pas merveilleux ; il ne plaira pas à tout le monde, mais c’est un dénouement, qu’on le sache bien, en ce sens que tout ce qui précède cette entente nécessaire, sinon cordiale, de la Prusse et de l’Autriche se trouve radicalement aboli, et, par exemple, le pacte des trois rois et le parlement germanique, et les élections qui devaient l’enfanter. La Prusse aura beau dire : le jour où elle a signé sa convention avec l’Autriche, ce jour-là elle a renoncé à la politique du pacte des trois rois et au parlement germanique. Nous trouvons dans la Gazette d’Augsbourg 18 octobre quelques réflexions sur la portée et les conséquences de cette alliance des deux puissances qui sont pleines de justesse, quoique écrites d’un ton tranchant et absolu. Le juste milieu libéral de M. de Radowitz, le parlement allemand, l’accession successive des trente-huit états de l’Allemagne au projet de constitution du pacte des trois rois, tout cela est une idée et un procédé compliqués. Qu’est-ce que cette éternelle négociation avec trente-huit petits états dont beaucoup ne sont pas maîtres chez eux ? Ne vaut-il pas mieux n’avoir à s’entendre qu’avec l’Autriche ? Si l’on tendait à l’hégémonie, quelle hégémonie que celle qui, pour se fonder, avait besoin d’employer les mouvemens populaires, et qui faisait perdre à la Prusse en personnalité et en caractère ce qu’elle prétendait lui faire gagner en puissance ? Ne sait-on pas d’ailleurs la profonde aversion du roi pour les agitations révolutionnaires ? L’alliance l’Autriche rompt les liens qui pouvaient exister entre la Prusse et la révolution. De plus, si l’on veut être libéral, c’est la manière la plus efficace et la plus honnête de l’être. Il est vrai que pour le moment l’état fédéral, le Bundesstaat, le mot cabalistique, risque fort de se réduire à une fédération d’états, au Staatenbund ; mais la fédération d’états pourra devenir un état fédéral, si c’est l’intérêt de l’Allemagne, si la Prusse et l’Autriche s’en convainquent, et, pour opérer cette conversion, il ne faudra que la bonne entente des deux gouvernemens, au lieu de la lente et pénible votation des trente-huit états, compliquée encore de la votation d’un parlement allemand.

Ces réflexions du correspondant de la Gazette d’Augsbourg nous semblent résumer fidèlement la question. Oui, au lieu des machines compliquées que le pacte des trois rois essayait de mettre en mouvement, la commission intérimaire est quelque chose de fort simple. C’est le duumvirat de l’Autriche et de la Prusse. L’Allemagne n’a plus aujourd’hui que deux têtes. Ce duumvirat essaiera-t-il de beaucoup gouverner ? Essaiera-t-il de préparer une constitution fédérale ? Nous ne le croyons pas. Il se contentera de modifier quelque peu l’acte fédéral de 1815 et laissera aux petits états leur indépendance nominale, en leur assurant en même temps l’ordre et la paix dans le cercle de leur territoire. Il n’y aura pas de médiatisations ; la Prusse a sauvé les états allemands de la médiatisation démocratique et l’Autriche les a sauvés de la médiatisation prussienne.