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le partage de la pologne.

instances d’autant plus infructueuses, qu’il réclamait en vain l’appui de l’internonce impérial : ce ministre n’avait jamais d’instructions.

Cependant, à force de soins, d’insistance, l’ambassadeur de France finit par obtenir du divan, la réception d’un colonel polonais, envoyé de la part du grand-général de la couronne. Ici la Pologne oublia pour la première fois que sa glorieuse vocation était de faire un rempart de son corps contre les agressions de l’islamisme L’émissaire polonais portait au vizir une lettre du comte Braniçki, grand-général de Pologne qui exposait avec force l’état de son parti auquel il donnait exclusivement le nom de patriotique ; il représentait à la Porte l’intérêt pressant qui devait l’engager à secourir les vrais Polonais, et à arrêter les Moscovites. Cet envoyé fut reçu avec gravité, mais sans enthousiasme et repartit emportant une réponse qui contenait un refus positif enveloppé dans les formes énigmatiques du style oriental.

Les ministres ottomans ajoutaient verbalement à ces pièces officielles que de tout temps, et de notoriété publique, des troupes russes étaient entrées en Pologne, que, loin de s’y opposer, l’amie de la Sublime Porte, la sérénissime république les avait même souvent accueillies à titre d’hospitalité, et que leur présence à la diète d’élection n’avait rien d’insolite, puisque les deux derniers rois saxons avaient été élus par l’influence avouée de la Russie, et qu’enfin le traité de Carlovitz n’imposait aucune intervention de ce genre à sa hautesse. « Que nous fait la Pologne disaient les ministres, turcs. Pourquoi l’Excelse Porte de félicité s’occuperait-elle de ses affaires ? Allah kerim ! Dieu est grand. »

Il est temps de quitter le théâtre de la diplomatie européenne, si faiblement disposée à soutenir la Pologne, et de voir ce qui se passait dans l’intérieur de ce royaume. Après la publication des universaux (lettres de convocation), les élections nationales s’étaient ouvertes dans les diétines (collèges électoraux). La tenue de ces comices avait toujours été sanglante ; mais, à cette époque de sa décadence, la Pologne n’avait ni entièrement abdiqué ses abus séculaires. L’anarchie, jouissant toujours d’une existence légale, ne vivait plus que dans une sorte d’atmosphère moyenne. De belliqueuse, elle était devenue intrigante et tracassière ; on ne combattait plus aux diétines, on s’y battait ; le champ clos était remplacé par le pugilat emprunté aux hustings de l’Angleterre ; conquête trop facile ! l’esprit public d’une grande nation vraiment libre s’inocule moins aisément que la grossièreté de ses usages. Les palatins, les castellans, jouaient alors à la guerre civile, mesquinement réduite à des compétitions de starosties, à des jalousies d’emplois, tout au plus à des haines héréditaires entre quelques familles qui se trouvaient réciproquement trop puissantes. Ce n’étaient qu’excursions inopinées dans tel château, dans telle