Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/562

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de discuter la constitution avant de la modifier ? Sachons en quoi elle pèche et disons-le. Ce sera le moyen de ne pas croire qu’elle est à refaire tout entière, depuis le premier mot jusqu’au dernier.

Autre erreur du général Cavaignac, et qui nous semble aussi, comme la superstition envers la constitution, dater de 1848 : dans un conflit entre le président de la république et l’assemblée législative, le président doit toujours céder. Où cela est-il écrit dans la constitution ? Nous y voyons, au contraire que le président est responsable, ce qui veut dire qu’il peut avoir une politique personnelle. Nous avouons qu’il nous semble étrange que le président soit, sur ce point capital, plus puissant que ne l’était le roi ; mais que voulez-vous ? c’est la constitution qui le veut. Eh quoi ! dira-t-on, est-ce l’assemblée qui doit céder au président ? Non ; la constitution non plus ne dit pas cela. Personne ne cédera donc, c’est-à-dire qu’entre la politique du président et la politique de l’assemblée le procès peut durer tout le temps que le président et l’assemblée ont à vivre. La constitution, en créant un président responsable et une assemblée indissoluble, a créé un procès toujours possible ; mais elle a oublié de créer un arbitre pour juger le procès, et cependant M. le général Cavaignac croit que les défauts de la constitution ne doivent pas être signalés.

Nous ne comprenons pas bien, nous l’avouons, pourquoi le général Cavaignac s’efforçait de prouver que l’assemblée doit toujours avoir la prépondérance sur le président, puisqu’il soutenait en même temps la politique du président contre la politique de l’assemblée. M. le général Cavaignac croyait que la lettre du président indiquait une politique différente de la politique du rapport : c’était là l’erreur ; mais le général Cavaignac en même temps semblait croire que, selon la constitution, la politique de l’assemblée doit toujours l’emporter sur la politique du président, le président eût-il raison et l’assemblée eût-elle tort ; c’est là pour nous l’énigme. Au surplus, si c’est là l’esprit de la constitution, encore un motif de plus, à notre sens, pour la réviser ; car bonnes constitutions, selon nous, sont celles qui s’arrangent pour donner en définitive raison à ceux qui l’ont.

Les deux ministres qui ont pris part à la discussion, M. de Tocqueville et M. Odilon Barrot, n’ont pas eu de peine à prouver qu’entre la lettre du président et le rapport de M. Thiers il n’y avait pas de différences fondamentales. Le motu proprio du pape n’a pas complètement répondu aux vœu de la lettre du président, cela est vrai ; mais il n’a pas non plus montré la complète approbation de la commission. Que faut-il donc faire ? Il faut, comme l’ont indiqué que MM. de Tocqueville et Barrot, employer l’influence de la France à consolider et à étendre les concessions du motu proprio. Si nous demandons au pape l’impossible, c’est-à-dire de ne pas être un gouvernement ecclésiastique, le pape résistera, et nous n’avons aucun moyen de le contraindre, quand même nous voudrions le faire. À quoi donc, diront les matamores de la montagne et de ses environs, à quoi nous ont servi nos combats, notre victoire ? à quoi nous sert notre armée ? Ils nous ont servi à détruire la démagogie établie sous une de ses plus mauvaises formes dans le lieu qui la comporte le moins. Aussi nous reconnaissons maintenant que notre armée n’a plus rien à faire à Rome. L’employer contre le pape, c’est un contre-sens impuissant ; l’employer pour lui,