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la rivière et les magnifiques plaines qu’elle baigne à la partie supérieur de son cours, sir Thomas Mitchell, fidèle au sentiment d’affection respectueuse que les Anglais éprouvent pour leur reine, et qui est comme le lien commun de leur patriotisme dans les contrées diverses où le sort les place, avait donné à ce cours d’eau le nom de Victoria.

L’expédition est rentrée à Sydney le 20 janvier 1847. Le rapport des voyageurs fit naître de grandes espérances. Nous avons dit quel puissant intérêt commercial s’attache à la découverte d’une rivière navigable qui puise conduire au nord les produits de l’Australie. La colonie s’est hâtée de compléter la découverte de Mitchell en faisant relever le cours de la Victoria jusqu’au point où l’on supposait qu’elle se déchargeait sur les côtes septentrionales. M. Kennedy avait offert de se charger de cette mission. Il est donc reparti de Sydney au mois de mars 1847, avec huit hommes seulement et des chevaux. Son rapport a détruit toues les espérances qu’avait fait concevoir la découverte due à son prédécesseur. M Kennedy a suivi les rives de la Victoria sur un espace de plus de cent milles. Pour marcher plus vite, il enterrait sur sa route les provisions et les bagages, certain de les retrouver au retour. D’abord la rivière coulait en un seul canal, large, profond, bordé d’un côté par des hauteurs pittoresques, de l’autre par de riches plaines en fleurs. Plus loin, elle se divisa en trois cours d’eau roulant sur du gravier entre des bords incertains. Le pays s’appauvrissait, il devenait plat et sablonneux ; le courant commençait à se traîner avec faiblesse. Pourtant il fut ravivé par une assez belle rivière venant du nord-est, qui versait son tribut ; mais, un peu au-dessous du confluent, la Victoria, qui avait jusque-là coulé régulièrement dans la direction du golfe de Carpentarie, inclina vers le sud d’une manière inquiétante. Un moment hésitante, elle se partagea de nouveau en plusieurs canaux qui ne se réunirent plus. Enfin elle prit définitivement le chemin du sud. Ce pouvait n’être qu’un détour. M. Kennedy, qui commençait pourtant à désespérer, poursuivit sa course. Bientôt le terrain devint détestable ; il était sec, fendu, stérile, et les chevaux s’engageaient à chaque pas dans des fissures profondes. Aux alentours, on n’apercevait plus que le désert sans verdure et sans animaux. Le sol rougeâtre semblait couvert d’une poussière de briques ; l’eau baissait à vue d’œil dans les canaux, Enfin, la rivière se répandit en une multitude infinie de ruisseaux qui sillonnaient une contrée totalement privée de végétation et couverte de dunes de sable. Ce désert présentait, dans son développement à l’horizon, l’aspect d’une mer onduleuse. C’est là que se perdait définitivement la rivière. M. Kennedy n’avait pas à pousser plus loin une exploration évidemment inutile.


V

Il résulte de ces derniers voyages, rapprochés de ceux dont ils ont été précédés, que l’Australie est entourée de toutes parts d’une zone de terres fertiles et arrosées par des torrens que des travaux de canalisation et d’endiguement transformeraient probablement en courans perpétuels. Les seules rivières considérables qu’on ait reconnues se dirigent exclusivement vers le sud, et il paraît maintenant à peu près certain qu’aucun cours d’eau important ne traverse du