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le partage de la pologne.

la constitution, pour assurer l’hérédité du trône, pour détruire le liberum veto, pour amener le vote des lois à la pluralité des suffrages ? Les circonstances étaient d’autant plus favorables, que le parti Czartoriski désirait, fomentait toutes ces améliorations. En mettant les choses au pis, s’il n’y avait eu aucun moyen d’éluder le choix de Poniatowski, Stanislas aurait tenu sa couronne de l’Europe, qui aurait pu à son tour lui faire des conditions. Lui-même l’espéra un moment ; il fit des ouvertures à un agent français, mais furtivement, comme un écolier qui se dérobe à l’œil du pédagogue. Ses propositions furent repoussées par le cabinet de Versailles. Personne en France n’avait compris la situation, personne, excepté Louis XV. Avec ce tact admirable dont le ciel l’avait inutilement doué, il dit, non pas à ses ministres, mais à ses agens secrets : « Aucun prince étranger ne réussira cette fois il faut se rejeter sur les Piast[1]. » En effet, il n’y avait pas autre chose à faire, et c’est pour cela qu’on ne le fit point.

Que la France, encore toute meurtrie de la guerre de sept ans, n’ait point soulevé le monde entier pour courir au secours de la Pologne ; qu’elle n’ait point versé pour cette cause étrangère le reste de ses trésors et de son sang ; qu’elle ne se sait pas prêtée en aveugle aux illusions du grand-général Braniçki, aux plans chimériques de Mokranowski, qu’elle ait accueilli leurs messages avec défiance et froideur qu’elle n’ait trouvé à cette levée de boucliers ni opportunité, ni apparence de succès ; qu’elle n’ait pas ajouté foi aux quarante mille hommes promis par les patriotes ; qu’elle ait été encore moins persuadée de la force d’une armée composée au hasard de gentilshommes campagnards, de Cosaques domestiques, de vagabonds, d’aventuriers-, horde sauvage, sans artillerie, presque sans armes, incapable de vaincre une armée nombreuse, aguerrie et disciplinée ; que la France n’ait pas fait dès-lors ces promesses décevantes dont elle a été depuis si prodigue, triste échange entre la faiblesse imprévoyante qui les donne et la faiblesse crédule qui les accepte, on lui en a fait à tort un reproche et presque un crime. Le ministère français était parfaitement dans son droit, je dirai plus, dans son devoir, en écartant ces chimériques espérances et même en refusant des subsides, c’est-à-dire l’argent de la France, pour atteindre un but irréalisable ; il avait raison d’éprouver le rôle d’agresseur pris imprudemment par le parti qui se disait seul patriotique. Commencer les hostilités, lever des troupes, former des confédérations, c’était fournir un motif ou du moins un prétexte aux mouvemens des armées russes. Catherine II avait posé en ces termes le principe de sa conduite publique : « Je ne gênerai point les

  1. Louis XV au comte de Broglie. — Correspondance secrète de Louis XV. — Archives des affaires étrangères.