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le détroit de Torres, tel était le but principal du voyage de M. Mitchell. Il espérait l’atteindre par la découverte de quelque grande rivière qu’il supposait devoir couler au nord. À défaut d’autres voies de communication, cette rivière eût présenté une route mobile tout ouverte, et elle eût porté facilement à la mer des Indes les produits du pays.


IV

Sir Thomas Mitchell est parti de Sydney le 15 décembre 1845. Le convoi qu’il conduisait était composé de vingt-huit personnes : M. Kennedy, commandant en second de l’expédition ; M. Stephenson, chirurgien et naturaliste ; deux vedettes à cheval, un gardien des tentes de campement, trois palefreniers, un gardien des bagages, huit conducteurs de boeufs, deux charpentiers, un forgeron, un cordonniers un porteur des baromètres, trois mariniers, un boucher et un gardien de moutons. Les provisions et les bagages étaient transportés sur huit chariots traînés par quatre-vingts boeufs. En outre, l’expédition était pourvue de deux bateaux en fer pouvant servir d’embarcations pour traverser les rivières et d’auges pour abreuver les animaux. Les vivres consistaient en conserves, en porc salé et en un troupeau de deux cent cinquante moutons. M. Mitchell n’emmenait que dix-sept chevaux. Il avait hésité long-temps pour le choix des attelages de ses chariots. Les chevaux eussent été plus rapides, mais on lui avait dit que les bœufs supporteraient mieux la fatigue : il avait donc pris des bœufs ; l’expérience lui prouva que les chevaux auraient été préférables sous tous les rapports. À l’exception de six personnes, la caravane était formée de convicts qui prenaient part, de leur plein gré, à l’entreprise, dans l’espoir d’obtenir, à leur retour, une diminution de peine. M. Mitchell aurait pu se faire accompagner par des volontaires libres ; mais il regardait l’observation stricte de la discipline comme une condition indispensable de réussite, et en conséquence il avait préféré des prisonniers de la couronne.

La première épreuve qu’il eut à subir fut celle de la soif. Le 4 janvier dans la soirée, arrivé à son campement, il n’y trouva, au lieu d’eau, qu’une boue liquide où le bétail avait piétiné. On prit patience, car le guide indigène promettait de conduire le lendemain, les voyageurs à un étang nommé Cadduldury. Plusieurs boeufs, pressés par la soif, s’étant égarés pendant la nuit, M. Kennedy dut attendre leur retour, le 5 au matin, pendant que M. Mitchell partait enavant avec les équipages légers. Celui-ci arriva tard à Cadduldury, et il n’y trouva pas d’eau. Ce fut seulement à douze milles plus loin qu’il rencontra une source. L’expédition se trouva donc divisée en trois bandes. La première, campée avec M. Kennedy, était restée déjà sans eau pendant deux jours et une nuit ; la seconde, arrêtée à Cadduldury, se trouvait dans la même situation ; seulement elle n’avait qu’une étape à faire pour gagner la source où se trouvait la tête de la caravane. La chaleur était accablante, et il n’y avait pas un nuage au ciel. Le 6 janvier, quand le jour parut, la partie de l’expédition qui avait été obligée de séjourner à Cadduldury se mit en marche, et, dans la matinée, elle atteignit la source. Il était temps ; hommes et animaux succombaient aux angoisses de la soif. On expédia aussitôt un homme avec deux barils d’eau à M. Kennedy. Celui-ci