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S’il a des économies à faire dans l’administration de l’armée et de la marine, faisons-les. S’il est possible, par une meilleure entente de ces grands intérêts ou par une surveillance plus active, d’obtenir, pour une dépense moindre, les mêmes résultats, appliquons-nous sans désemparer à cette réforme. Améliorons, à la bonne heure ; mais ne détruisons pas. L’oeuvre de la démolition, après février, s’est bien assez prolongée et n’a été que trop radicale. Conservons précieusement, ne laissons pas entamer le faisceau de nos forces militaires. Je ne désespérerai pas de la société tant que nous aurons une armée nombreuse disciplinée et dévouée au pays.

Le matériel et les approvisionnemens de la marine et de l’armée paraissent aux hommes spéciaux comporter de notables économies. Il a des réductions à opérer sur les états-majors, dont le luxe est ruineux et rend peu de services. Après l’expérience que l’on vient de faire, aux dépens du trésor, de cette colonisation sans plan et sans colons sérieux que M. le général de Lamoricière avait inventée pour l’Algérie, je ne sais pas pourquoi l’on dissiperait encore dans ces ridicules avortemens les dix millions que je vois portés au budget de 1850, et qui ne sèmeront, de l’autre côté de la Méditerranée, que socialisme et que misère. Il n’y a pas de colonisation possible en Algérie, au début de la culture, le maréchal Bugeaud l’a démontré pour tous les hommes de sens, comme il n’y a de travaux publics que par l’armée.

La dépense de notre effectif militaire pourrait cependant être réduite par deux combinaisons qui auront pour effet, en tout cas, d’en augmenter la solidité. La première consisterait à créer, dans les diverses armes, sur un plan analogue à celui des grenadiers Oudinot, des régimens dont chaque soldat aurait déjà servi sept ans dans l’armée de ligne et s’engagerait à rester encore treize ans sous les drapeaux. Chaque soldat aurait une haute paie, et, à l’expiration de son engagement, il jouirait d’une pension de retraite. Avec 36,000 hommes de cette vieille infanterie, 5,000 chasseurs de Vincennes, 5,000 hommes de cavalerie, 4,000 hommes de l’artillerie et du génie, on pourrait ramener l’effectif à 360,000 hommes et à 75,000 chevaux. Malgré l’augmentation de la solde, l’économie, dans les premières années surtout du système nouveau, serait importante. L’on rendrait près de trente mille hommes à l’industrie et à la culture du sol. L’armée, quoique moins nombreuse, serait une force beaucoup plus efficace et une institution plus démocratique, car le soldat verrait s’ouvrir devant lui l’avenir qui est réservé aujourd’hui à l’officier.

La seconde combinaison est bien connue. Il s’agit d’employer une partie de l’armée aux travaux entrepris par le gouvernement ou pas de grandes associations, et qui peuvent être déclarés d’une utilité stratégique. Ce que nos soldats font en Afrique, pourquoi ne le feraient-ils