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Vers la fin de ce régime, les dépenses ordinaires avaient reçu un notable accroissement, et elles ne se répartissaient plus dans la même proportion entre les différens services. Le budget de 1829 avait été évalué à 980 millions. Les crédits de la guerre et de la marine s’augmentaient de 23 millions, et ceux de l’intérieur, les cultes et les travaux publics non compris, de 35 millions. À cette époque se prononçait déjà le penchant de l’opinion pour les ouvrages d’utilité générale ; l’état améliorait les grandes routes, et les conseils-généraux votaient l’ouverture de voix nouvelles de communication. Le budget des ponts-et-chaussées montait de 33 millions à 42, et celui des dépenses départementales de 34 millions à 45. L’instruction primaire recevait de l’état une première allocation de 100,000 fr., et le clergé, au lieu de 23 millions, en obtenait 33.

De 1821 à 1829, l’accroissement des dépenses réelles peut être évalué à 80 millions environ ; l’accroissement des revenus indirects excède 100 millions pendant la même période, d’où il suit que la marche des dépenses ordinaires a été mesurée au progrès de la fortune publique, et que, si l’état n’a pas fait beaucoup pour ajouter à la richesse du pays, il ne l’a pas non plus témérairement dissipée.

Les charges que la restauration a léguées à la France représentent à peu près tous les efforts obligatoires ou volontaires qu’elle a faits pour la liquidation matérielle ou morale du passé. Elle a grevé la dette publique d’un capital de 2,414,542,269 francs, dont 1 milliard environ a été consacré, soit à l’indemnité des émigrés, soit aux dépenses de la guerre d’Espagne. Ne soyons pas trop sévères cependant pour une époque de laquelle date la vie politique en France, et qui a préparé le développement de toutes nos libertés.

C’est la monarchie de juillet qui a déchaîné cette prodigieuse expansion des dépenses publiques à laquelle nous avons tant de peine aujourd’hui à faire face, c’est à elle en même temps que revient le mérite d’avoir donné l’essor aux progrès du revenu. Ce double résultat ne ressort pas au même degré de tous les exercices. Dans les premières années qui suivirent la révolution de 1830, l’accroissement des crédits n’avait guère qu’un seul objet : il s’agissait de mettre le pays sur un pied de défense respectable, et, quant au revenu de l’état, il augmentait dans la même mesure que la population ; mais, à partir de 1838, et bien que ce mouvement ait été troublé par les émotions de 1840, l’état recueille ce qu’il a semé : le pays, enrichi par les travaux publics, entre dans une ère d’abondance et de prospérité qui, en augmentant la valeur de la propriété et du travail, féconde aussi dans une proportion inouie les sources des revenus indirects. De 1830 à 1837, l’accroissement n’est que de 6 millions par année ; de 1837 à 1846 ; il est de 21 millions par année.