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un tableau déjà bien assez sombre. Les découverts auxquels la dette flottante doit pourvoir atteindront, au 1er janvier 1850, la somme de 630 millions ; c’est le chiffre de la dette flottante de la monarchie au 1er janvier 1848, si l’on en distrait les fonds des caisses d’épargne livrés à cette consolidation nominale qui n’a pas soustrait le trésor aux de mande de remboursement. Nous fermons ainsi le cycle révolutionnaire au point même auquel nous l’avons ouvert, et une première liquidation nous conduit à une seconde. Il faut remonter à l’invasion de la France en 1815 pour trouver nos finances dans une situation aussi critique : les barbares du dedans ne nous ont pas fait moins de mal que les barbares du dehors.

Voilà donc l’état des choses au vrai, dès le début de l’exercice dont l’assemblée nationale est appelée à régler les conditions. Cet exercice, en supposant un budget de 1,591 millions, présenterait, suivant M. le ministre des finances, une insuffisance de 320 millions, qui sera portée infailliblement à 350 par les crédits supplémentaires. Un déficit de 350 millions, venant s’ajouter au découvert des exercices antérieurs, formerait ainsi la somme menaçante de 980 millions. C’est une avalanche d’un milliard dont nous avons à détourner ou tout au moins à amortir la chute.

Je comprends qu’une perspective aussi désolante arrache des lamentations au trésor. En présence de telles difficultés, et quand il mesure la somme des sacrifices que chacun devra s’imposer pour le salut de tous, un ministre peut douter par momens du pays et de lui-même ; mais ces angoisses de l’esprit ne sont excusables qu’à la condition d’en être les épreuves et de préparer une résolution mâle et féconde. Les peuples n’ont pas plus à s’applaudir des faiblesses que des témérités de l’homme d’état. Même dans les conversations intimes, il ne lui est pas permis de donner le signal du sauve qui peut. Deux années de souffrance et de jachère industrielle n’ont pas épuisé entièrement les richesses de la France ni son courage. Élevons ce courage à la hauteur du péril ; donnons l’exemple du dévouement, et croyons à la contagion de cet exemple.

Est-il possible de réduire les dépenses proposées pour l’année 1850 ? Avons-nous quelque moyen d’accroître les recettes qui sont prévues ? Enfin, quelles ressources doit offrir le crédit, tant pour combler le vide de l’arriéré que pour aligner avec les dépenses de l’exercice prochain les revenus de l’état durant cette période ? Tels sont les points principaux que je me propose d’examiner.