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titre suranné. Hors de là, point de cours d’études systématique, point d’étudians assidus. Les professeurs le savent si bien, qu’ils en prennent tout-à-fait à leur aise avec le programme de leur enseignemens. Si l’histoire ancienne les fatigue, ils s’attaquent, sans plus de façon, l’histoire moderne ; s’ils craignent les lieux communs rebattus dans un ordre d’idées un peu général, ils s’arrêtent pendant plus d’un an sur un petit point de critique historique ou littéraire ; s’ils ont un livre à faire pour se présenter à l’Académie, ils en prépareront en chaire tous les matériaux. L’essentiel est d’intéresser, s’il se peut, un petit choix de lettrés de profession et de gens de loisir, qui viennent polir leur goût et passer leur temps. Ce ne sont point là de vrais établissemens d’éducation : ce sont des académies d’éloquence et des athénées de littérature.

La conclusion à tirer de ceci est singulière : si l’on songe, en effet, que les facultés des lettres résument en elles-mêmes tout ce qui s’enseigne en France, en dehors des collèges, sur la philosophie, la littérature et l’histoire, il s’ensuit qu’après une première éducation, toute littéraire, historique et philosophique, personne en France passé dix-huit ans, n’honore plus d’une attention régulière l’histoire, la philosophie ni les lettres. Au sortir du collége, où l’instruction est, nous l’avouons, trop exclusivement, trop uniformément littéraire, on passe sans transition à une instruction supérieure, dont les lettres sont, de fait, à peu près bannies par l’usage. Un extrême vous amène brusquement à un autre.

De deux choses l’une cependant : ou les lettres, comme on le dit, sont un ornement superflu de l’esprit, et alors c’est beaucoup trop d’en faire l’unique occupation des huit premières années de la jeunesse ; ou elles forment comme le fond même d’une intelligence éclairée, comme le tronc commun où toutes les branches élevées des connaissances humaine aspirent la sève qui les fait germer, vivre et croître, et alors c’est un inconcevable système que celui qui en interrompt brusquement l’étude ; au moment même où l’intelligence entre définitivement en possession d’elle-même, et où elle rayonne pour ainsi dire devant elle dans tous les sens. Si l’esprit des lettres ne devait pas suivre l’homme dans toute sa vie, grandir et mûrir avec lui, il serait inutile de l’en pénétrer si fortement au début. Si toutes les sciences, si toutes les hautes conditions de la vie n’entretiennent pas avec les lettres de nécessaires et heureux rapports ; si les sciences physiques et la médecine, par exemple, qui en découle, peuvent se passer de la méthode philosophique, et si le droit prend ses fondemens autre part que dans la morale et ses origines ailleurs que dans l’histoire ; si le temps du plus grand éclat des lettres parmi nous n’a pas été celui de la plus grande gloire de nos armes et des plus heureux succès de notre politique,