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quand, sous le nom de crédit public, s’est élevée dans les états une force assez grande pour gêner tour à tour les despotes dans leurs caprices et les révolutionnaires dans leurs saturnales, on croit avoir énuméré toutes les sortes d’apprentissages et de noviciats possibles pour la jeunesse éclairée d’un grand pays, en reproduisant cinq divisions empruntées aux universités du moyen-âge ! S’il faut trois ans d’étude pour apprendre le code civil et le droit romain, s’il en faut quatre pour pouvoir prétendre à soigner des malades, n’en faut-il aucune pour diriger utilement de grands capitaux, pour donner le branle à ces entreprises qui vont enrichir une nation par des travaux féconds, ou la ruiner et la corrompre par de folles spéculations ? N’y a-t-il donc que sur les tréteaux de foire que l’on trouve des charlatans ? Ne faut-il aucune étude non plus pour prétendre à diriger, dans les assemblées électives et délibérantes, les affaires générales de son pays ? Il est des lois qui régissent la vie civile et privée, et qu’on fait très bien d’enseigner dans les écoles de droit ; n’en est-il point qui gouvernent la vie publique d’un citoyen sous un régime de liberté ? Il faut étudier la santé des individus ; mais l’hygiène de la prospérité publique, la science de la richesse des nations, s’apprend-elle par inspiration ? Nous avons donné, pendant trente ans, le spectacle étrange d’un pays qui se disait constitutionnel, et qui voulait dominer l’Europe par son industrie. Dans ce pays, où chacun était appelé à voter les impôts, on pouvait avoir parcouru avec éclat tous les degrés de l’enseignement, sans avoir jamais entendu parler de l’assiette des contributions, sans connaître de nom seulement les grandes lois du crédit public, sans avoir appris distinguer la dette flottante de la dette fondée, et la caisse d’amortissement de la caisse des consignations. Ce pays avait une administration complexe dont tout le monde voulait être fonctionnaire, elle avait en tout, sur toute sa surface, élevé une chaire où il était traité des rapports et de la hiérarchie des pouvoirs. Ce pays ne parlait plus que de chemins de fer, de capital social, de sociétés anonymes et de sociétés en commandite ; mais il laissait à des maîtres amateur, devant un auditoire bénévole, le soin de sonder comment s’élaborent avec mystère dans les entrailles d’une nation, comment s’enfantent dans la douleur ces capitaux, fruit des longues veilles et des âpres travaux. Un jour, on est venu dire à ce pays que sa constitution n’existait plus, mais qu’il n’eût garde de s’en mettre en peine, et que les choses en iraient que mieux ; on est venu lui dire aussi qu’il était dans l’erreur en pensant qu’il fallait gagner son pain à la sueur de son front et épargner pour s’enrichir ; on est venu lui dire qu’on mettrait son budget en équilibre en augmentant toutes les dépenses et supprimant toutes les recettes ; on est venu lui dire qu’avec une presse et du papier, il allait faire sortir de ses retraites le crédit épouvanté, et qu’il pourrait