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la profondeur des grands bois ! Quel étonnement qu’une aigreur constante soit le résultat de ce changement de température subit, et que son impatience se porte contre cette société qui ne l’a mis un jour en lumière que pour l’ensevelir le jour suivant !

C’est pourtant là, peut-on dire, ce que fait depuis bien des années sous nos yeux, la plus pacifique des institutions de ce monde, la religion catholique. C’est du sein des petits séminaires où ils sont élevés en commun dans des études philosophiques, au centre même du diocèse, que partent ces prêtres de campagne, qu’on retrouve ensuite paisiblement assis dans toutes les chaumières. Les écoles normales primaires ne sont que de petits séminaires laïques. Eh ! sans contredit, la religion le fait sans effort mais par une raison qu’il faut bien confesser, c’est que la religion fait des miracles et que l’état n’en fait pas. Elle en fait à tout instant par un flux en quelque sorte continu ; elle fait des choses surnaturelles avec la régularité de la nature. Nos yeux s’y accoutument, nous trouvons la chose toute simple, et nous nous plaignons même quand le miracle n’est pas immédiat et complet. Mais qu’on essaie seulement un jour de faire à sa place et en dehors d’elle ce qu’on lui voit exécuter tous les jours sans effort, l’abîme qui sépare le ciel et la terre se montre aussitôt à découvert. Je n’en connais pas de si frappant exemple que ces résultats si différens de deux institutions très analogues en effet dans leur composition, les séminaires diocésains et les écoles normales départementales, l’une couvrant nos campagnes de missionnaires de paix, dont la simplicité égale le dévouement ; l’autre, depuis douze ans qu’elle existe, ayant étendu sur nos communes les mailles d’un réseau révolutionnaire. Les législateurs de 1833 avaient oublié qu’on n’inspire pas l’esprit de l’église en copiant son cadre extérieur ; ils avaient oublié qu’il est plus aisé d’annoncer l’Evangile aux pauvres, pour lesquels il est fait, que de leur enseigner l’arithmétique et la géographie, et que les mystères de la foi donnent à l’ame une nourriture intérieure qui supplée au mouvement extérieur. Sur le théâtre le plus étroit, le prêtre est au large au pied de l’autel. Sa solitude est vivante. C’est la cellule dont parle le mystique. Dans les veilles de la méditation, elle s’embellit et s’anime : abandonnée par l’esprit, elle devient vile et languissante ; toedium generat atque vilescit.

La religion est-elle seule à pouvoir venir à bout de ce grand problème de l’instruction populaire si admirablement posé, si hardiment abordé, mais si imparfaitement résolu par la loi de 1833, à savoir, de faire vivre sans un ennui insupportable, qui ne tarde pas à engendrer un mécontentement violent, les esprits éclairés en dehors de toute culture intellectuelle, à contenir dans les limites d’une humble profession des esprits supérieurs à cette profession même ? Absolument,