Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/382

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en réponse à celle de M. Temple, est pleine à la fois de justesse et de dignité. Nous en aimons la conclusion, quand, faisant remarquer à M. Temple que la Sicile jouit d’une parfaite tranquillité, que les habitans sont heureux d’être rendus à la protection de leur souverain légitime, « il affirme au ministre anglais que, si aucun agent étranger ne tente de troubler la paix qui règne actuellement dans l’île, le roi est certain que tous ses sujets seront unis par un indissoluble lien d’affection et de fidélité pour leur légitime souverain. » Il assurément impossible de mieux mettre l’adresse d’une lettre ; mais, encore un coup, tout ce que nous disons là, c’est ce que nous pensions il y a huit jours, avant les récentes nouvelles de Naples ; c’est ce que nous penserons dans huit jours, si nous voyons que le roi de Naples, au lieu de chercher sa force dans la restauration du pouvoir absolu, la cherche dans la pratique modérée du gouvernement constitutionnel qu’il a fondé.

Nous avons parlé avec quelques détails des trois questions italiennes : celle de Rome, celle de Turin et celle de Naples, parce que ces questions n’ont plus long-temps peut-être à occuper l’attention du public : non pas que nous les croyons près d’être résolues, elles peuvent durer encore long-temps ; mais d’autres questions plus importantes sont en train de naître, et l’intérêt du drame européen va passer du midi à l’orient et au nord. Nous voulons parler de la question allemande et de la question turque.

Un mot d’abord sur l’Allemagne. Il faudrait peut-être expliquer les diverses phases par lesquelles la question allemande a passé depuis un mois, phases fort tristes et fort pénibles pour quiconque avait espéré que l’année 1848 ne serait pas seulement en Allemagne une année d’aventures et d’illusions. Faut-il renoncer complètement à cette espérance ? Faut-il se dire que l’œuvre de l’unité allemande, commencée par des philosophes et continuée par des démagogues, est une chimère qui était devenue un danger ? Faut-il que l’Allemagne reprenne patiemment le vieux collier de la diète de Francfort ? Nous reviendrons sur ces divers points ; nous ne voulons, en ce moment, que considérer l’Allemagne dans ses rapports avec l’Occident, et chercher si elle pèse encore ce qu’elle pesait, il y a quelques années, dans la balance diplomatique.

Que si quelque vieux Teuton, piqué de notre question, vient nous dire d’un air de défi : Et vous, qui êtes la France, pesez-vous aussi ce que vous pesiez, il y a quelques années, dans la balance diplomatique ? nous sommes forcés, hélas ! de dire non ; mais c’est précisément cette faiblesse progressive de l’Occident, sauf l’Angleterre, c’est cet amoindrissement de la France et de l’Allemagne, causé par les tentatives de la démagogie, qui nous fait tremble r quand nous jetons un regard sur l’état de l’Europe. Loin de nous consoler de l’affaiblissement de la France par l’affaiblissement de l’Allemagne, nous sommes d’autant plus inquiets. La Russie grandit chaque jour. Nous ne jalousons pas cet agrandissement, nous sommes même heureux que quelque chose de grand se fasse de notre temps et sous nos yeux. Seulement nous avons le droit de souhaiter que cet agrandissement ne soit ni aux dépens de notre indépendance ni aux dépens de la civilisation. Or, pour maintenir l’équilibre entre la Russie et l’Occident, il ne faut rien moins, nous en sommes persuadés, que les forces réunies de la France et de l’Allemagne. Oublions-nous l’Angleterre en parlant ainsi ? Non ; mais noms sommes persuadés que, si la lutte existait seulement