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varre : elle ferait l’avènement du parti rétrograde, comme elle a fait la victoire de Radetsky. Où vivent donc les députés de Piémont ? Est-ce en Europe ou en Chine ? Ne voient-ils rien ? ne comprennent-ils pas la différence des temps et des momens ? Sont-ils encore en 1848, quand le monde est en 1849 ? N’ont-ils rien entendu de la Hongrie vaincue, de l’Allemagne revenant au gouvernement de la vielle diète monarchique de Francfort ? Le Piémont est en Italie, et le ministère d’Azeglio est en Piémont la dernière carte de la liberté. Faut-il la brûler ?

Pendant que la démagogie compromet à Turin l’avenir déjà si réduit de la liberté italienne, à Naples, où il restait encore quelques formes de liberté, ces formes vont disparaître, dit-on, devant les alarmes vraies ou fausses du pouvoir monarchique. Les libéraux napolitains sont emprisonnés ou exilés, et l’un d’eux, M. Ruggiero, chassé de Naples comme un démagogue, est insulté à Civita-Vecchia comme un absolutiste, passant en quelques heures des injustices d’un parti sous les injustices de l’autre, et donnant par cette double épreuve un triste exemple de l’état des esprits en Italie.

Nous étions tentés tout dernièrement de plaindre le roi de Naples, que lord Palmerston recommence à tourmenter par des notes diplomatiques. Nous étions tentés de nous demander pourquoi lord Palmerston, quand la Sicile est à peine soumise et calme, rallumait par son intervention inopportune cette vieille et sanglante querelle de Naples et de Palerme. Les nouvelles qui viennent de Naples, les exils qui frappent les libéraux modérés, les intentions absolutistes que semblent manifester ces exils, changent quelque peu nos dispositions. Si le roi de Naples emploie le calme dont il jouit à persécuter sans motifs le libéralisme italien et à abolir les garanties que donnent les institutions encore existantes, autant vaut alors que lord Palmerston vienne, par ses notes, troubler ce calme qui ne profile pas à l’ordre. Nous ne comprenons pas, nous l’avouons humblement, que l’Angleterre vienne ressusciter la constitution sicilienne de 1812, qu’elle s’en fasse de nouveau la protectrice, quand cette constitution de 1812 a été tout récemment le sujet d’une guerre cruelle entre Naples et la Sicile, quand surtout pendant cette guerre l’Angleterre n’a point cru devoir prendre fait et cause pour la Sicile insurgée. Tant que la question de Sicile était un danger pour la paix européenne, l’Angleterre s’est prêtée aux nécessités de la paix, et nous l’en félicitons ; aujourd’hui que la Sicile ne peut plus être qu’un embarras pour Naples, l’Angleterre se sert avec un malin plaisir de cet embarras et l’augmente à dessein. Cela veut-il dire que lord Palmerston aime mieux donner aux gens des coups d’épingle que des coups d’épée ? Cela veut-il dire que, voulant détourner le roi de Naples et même le pape de leurs penchans vers la réaction absolutiste, il a voulu, en parlant de la Sicile, mettre la puce à l’oreille des deux augustes habitans de Portici ? Nous confessons que, pour notre part, nous eussions mieux aimé un autre genre d’avertissement. La démagogie, même la démagogie sicilienne, toute recommandable qu’elle est à cause du voisinage de Malte, ne nous paraît pas un bon contre-poids à l’absolutisme. Ce sont des excès qui se remplacent l’un par l’autre, au lieu de se tempérer.

Et, puisque nous sommes en train, à ce sujet, de parler de nos sentimens de la veille, dirons que la note du ministre des affaires étrangères à Naples,