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Entassez des débris les uns sur les autres, et puis annoncez qu’un nouvel édifice va s’élever ; entassez toujours ruines sur ruines, sous prétexte de mieux déblayer le sol : où en arriverez-vous ? La nature décorera de mousses vos pierres éparses, jettera quelques guirlandes de lierre sur ces débris ; au milieu des fentes et des crevasses, quelques orties élèveront leurs têtes chargées de dards imperceptibles ; des serpens et de hideux reptiles habiteront à l’intérieur ; quelques fleurs malfaisantes et quelques champignons vénéneux pousseront tout auprès. Voilà le spectacle qui s’offrira ; voilà toutes les beautés et toutes les images que vous avez à espérer : n’en attendez pas d’autres. Et alors à ce spectacle l’ame se replie sur elle-même et se dit : Peut-être en moi-même trouverai-je l’harmonie ! Mais l’ame ne trouve rien que des désirs qui se contredisent, des opinions qui se querellent, qu’elle ne peut accorder, et dont pourtant elle ne peut se défaire. Etant révolutionnaire et n’étant pas religieuse, elle ne peut trouver en elle ni l’harmonie, ni l’ordre, ni la paix, ni la sérénité.

Ajoutez qu’elle ne peut avoir, par conséquent, ni la concentration ni la profondeur ; la religion seule confère ces deux qualités morales. Lorsque l’ame est remplie par une croyance, alors toutes les facultés, toutes les idées se fondent et s’unissent. Nous ne pouvons mieux définir matériellement la croyance qu’en disait qu’elle est à la fois une fournaise et un océan, et que, par conséquent, elle unit ces deux choses : concentration et profondeur. Toutes les idées que l’imagination ou l’entendement présente à l’ame, la croyance les dissout, les, épure, les fond, les transforme dans son sein. Mieux que la volonté, elle sait rassembler les élémens épars d’une doctrine ou d’un poème ; elle ne résiste pas au hasard et à l’occasion, comme le fait la volonté ; au contraire, elle ne refuse aucune occasion, aucune idée fortuite ; elle ne les trie pas, elle ne dit pas : Celle-ci est noble et celle-là est ignoble ; mais, comme la religion dont elle émane et qui accueille tous les hommes, elle accepte toutes les idées, elle les revêt aussi déguenillées qu’elles soient, elle les sanctifie aussi souillées qu’elles puissent être. En même temps, au fond d’une ame religieuse, il y a des milliers de pensées endormies, des élans sans nombre qui gisent enfouis comme les perles au fond de la mer. Réfléchissez à ce que c’est que la croyance : c’est le fond tout-à-fait primitif de la nature humaine, et de même que les traditions nous apprennent qu’il n’y a que deux lois au monde, la loi naturelle et la loi apportée par la révélation, ainsi il n’y a que deux élémens réels dans la nature humaine : l’instinct et la croyance. Ce sont les deux choses les plus naturelles de toutes celles que l’on n’acquiert pas, que l’on apporte en naissant et que l’on accepte sans contrôle. L’analyse ne peut atteindre ni l’une ni l’autre ; elles ne peuvent pas être disséquées, leur essence est tout aussi inconnue que la nature