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le partage de la pologne.

à l’établissement d’un gouvernement régulier, voilà, pour le malheur de la Pologne, quels étaient alors les soucis du parti qui s’honorait exclusivement du titre de patriote.

Le parti réformateur songea à guérir ces plaies. Il était conduit par les princes Czartoriski, maison illustre issue des grand-ducs de Lithuanie, ainsi que plusieurs grandes familles tant en Pologne qu’en Russie. Aussi nobles que leurs adversaires, les Czartoriski étaient encore plus riches, puisqu’ils pouvaient lever de leurs propres deniers une armée de cinq mille hommes. Ce qui les distinguait des autres magnats, c’est qu’au lieu de se mettre, comme la plupart d’entre eux, sous la dépendance d’intendans avides et fripons, ils administraient eux-mêmes leurs terres avec un ordre qui, sans retrancher à la magnificence, la rendait, au contraire, d’un usage plus facile et plus constant. Michel, grand-chancelier de Lithuanie, et son frère Auguste-Alexandre, hommes remarquables tous deux par leurs talens et déjà avancés en âge, étaient les chefs de cette famille. L’autre génération se composait du prince Adam, fils du prince Auguste, et du fameux comte Stanislas Poniatowski, qui appartenait aux Czartoriski par sa mère, sœur des deux vieillards. Dans ces pensées de réforme ; auxquelles le patriotisme et l’ambition avaient une part égale, ils étaient préoccupés non-seulement de la réforme économique, mais aussi de la réforme politique de leur pays. Leur esprit se sentait frappé des vices d’un gouvernement qui confondait la république avec la royauté, sans se laisser étreindre par l’unité, règle des monarchies, et sans être soutenu par l’esprit public, ame des gouvernemens démocratiques. Pour remédier à cet état de choses, ils avaient puisé dans l’étude assidue de l’Angleterre l’idée de la monarchie constitutionnelle, qui alors conservait encore dans toute sa fleur une virginité perdue depuis, en d’autres contrées, dans un viol de sang et de boue.

Les Czartoriski méditaient donc une réforme précise, une révision scrupuleuse et détaillée de la constitution et de la législation polonaises. Cette révision devait porter cinq points principaux : abolition du liberum veto ; faculté de rendre révocables, à la volonté du souverain, les dignités jusqu’alors inamovibles ; faveurs à accorder aux étrangers ; réforme des finances et refonte de la monnaie. La portion plus vague de ces plans, tout ce qui touchait à la philanthropie, à la tolérance, était surtout le domaine du jeune Poniatowski, l’ami de Mme  Geoffrin, l’admirateur des philosophes. Stanislas savait par cœur les poèmes, les tragédies de Voltaire, et prêtait à ses vers, fort à la mode alors, bien négligés aujourd’hui, le charme d’un organe flatteur, d’un geste noble et dramatique. Si jamais un roi de hasard a essayé le trône sur le théâtre, c’est assurément celui-ci.

Ne semble-t-il pas que ces hommes, la fleur de la Pologne, attirés