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1771, trois d’entre eux, à la tête d’une escouade de trente-sept hommes, qui étaient entrés à Varsovie sous un déguisement, enlevèrent Poniatowski dans son carrosse, tuèrent quelques-uns de ses heiduques à coups de pistolet, et le mirent lui-même à cheval, de force et sous peine de la vie, pour le conduire à Czenstochowa, dans ce même monastère où sa mort avait été jurée devant une image de la madone Stanislas allait payer de son sang cette couronne tant désirée : son étoile le servit encore cette fois. Les conjurés s’égarèrent avec lui dans une forêt. Craignant les patrouilles russes qui stationnaient dans le voisinage, ils se dispersèrent ; on perdit du temps : Stanislas resta seul avec Kosinski, l’un des principaux de la troupe. Le roi avait une éloquence naturelle et le don des larmes ; il parvint à fléchir son ennemi, qui le cacha, dans un moulin, d’où il put revenir à Varsovie. Il avait été légèrement blessé, mais on contesta sa blessure, comme celle du roi de Portugal, peu d’années auparavant, dans la fameuse affaire des jésuites. La conjuration, la blessure surtout, furent vraies ou simulées, au gré des opinions. Cependant en général on crut l’aventure authentique : ce fut le coup de grace pour les conférés. Le dégoût, l’indifférence, remplacèrent le peu d’intérêt qui s’était attaché à eux en Europe ; car, il faut l’avouer, la Pologne n’y était pas populaire alors, et elle ne fut pas consolée dans son malheur par de bien vives sympathies.

Frédéric se hâta de profiter de l’attentat dont Poniatowski avait failli périr victime. Jusque-là, il l’avait traité en parvenu qui s’oubliait. Maintenant c’était un grand monarque dont la cause était celle de tous les rois ; il n’y avait pas de tête couronnée qui n’en fût solidaire, et, avant tout autre soin, il fallait songer à punir les régicides. Frédéric s’occupa aussitôt de ce devoir en étendant au-delà de la frontière prussienne le cordon sanitaire qu’il y avait établi contre la peste. Chaque jour, chaque semaine, il le reportait un peu plus loin, toujours dans l’intérêt de la sûreté publique. Il le fit avancer jusqu’à Plock, établit ses magasins en grande Pologne, à Posen, à Marienwerder, à Elbing ; puis ses troupes poussèrent leurs excursions jusqu’à Kalisch et Guiesne, rançonnant les habitans sur leur passage, payant en fausse monnaie les vivres et les fourrages extorqués, enlevant les plus belles filles, qu’on envoyait en Brandebourg pour les marier à des Prussiens avec un bon pécule, traitant enfin la Pologne en pays conquis, et faisant désirer sa domination, qui seule pouvait mettre fin à son invasion Le principal objet du roi de Prusse était toujours Dantzick ; mais, à l’instigation secrète de la France et de la Russie, qui, chacune de son côté et sans aucune entente réciproque, lui avaient donné le même conseil, cette ville s’était adressée à l’Angleterre. Le cabinet de Windsor s’opposa à la prise de possession de Dantzick par le roi de Prusse. Frédéric