Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/274

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La partie du texte imprimée ici en italique vient de paraître tout récemment pour la première fois. Elle a été entièrement omise dans l’édition de 1803, et a été loyalement rétablie dans la nouvelle édition des œuvres du grand Frédéric, qui se publie par l’ordre du roi Frédéric-Guillaume IV[1]. Rien n’est si remarquable, rien n’est même plus décisif que cette omission ; elle dispense de tout commentaire. L’auteur du partage s’est révélé.

Catherine laissa les propositions de M. de Lynar sans réponse et écarta formellement la proposition du démembrement de la Pologne qui lui était faite au nom du roi de Prusse. Qu’avait-elle besoin, en effet, de gagner en influence par une invasion violente ce qu’elle avait acquis par le rétablissement des anciennes lois ? Frédéric n’avait pas, d’ailleurs pas été de franc jeu avec elle ; elle s’en souvenait. Pressé de décliner la responsabilité des derniers événemens de Varsovie, qu’il s’efforçait de laisser tout entière à son alliée, le roi de Prusse avait refusé de joindre sa garantie à celle que l’impératrice de Russie venait d’imposer aux Polonais. Catherine avait même obtenu avec beaucoup de difficulté que le roi consentît à déclarer par un acte officiel le maintien de l’alliance russo-prussienne. Frédéric ne négligea rien pour atténuer ses démarches publiques par des insinuations secrètes. Pour conserver les honneurs de la modération et du désintéressement, l’illustre auteur de l’Anti-Machiavel affecte de blâmer ce qu’il appelait l’enthousiasme auquel on s’était abandonné de part et d’autre ; son seul désir est « que tout cela pût s’ajuster doucement en modérant les prétentions des uns et en portant les autres à se relâcher sur quelque chose. » D’ailleurs, à l’en croire, il ne prend qu’un intérêt des plus médiocres à toutes ces tracasseries. « L’impératrice de Russie décidera cette querelle avec la république de Pologne comme elle pourra. Les dissensions polonaises et les négociations italiennes sont à peu près de la même espèce ; il faut vivre long-temps et avoir une patience angélique pour en voir la fin[2]. » C’est par ces paroles et d’autres semblables que Frédéric essaya de se disculper des événemens dont il avait pris l’initiative, car c’est lui, on ne l’a pas oublié, qui, de son propre aveu, avertit Catherine du danger de la réforme législative des Czartoriski, et qui réveilla les plaintes des dissidens en se faisant adresser une supplique par les comtes de Goltz, chefs des protestans de Pologne ; mais, s’il prit la peine de donner le change aux contemporains, il se mit encore plus en frais avec la postérité. À son indignation toute patriotique, toute républicaine, on croirait reconnaître non pas un prince étranger,

  1. Berlin, de l’Imprimerie Royale (1846-1847) publiée en deux formais in-4o avec des portraits, des plans, etc., et in-8o. il y a déjà sept volumes ou cahiers de ce dernier tirage.
  2. Frédéric à Voltaire.