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« Après avoir traversé toute la Hongrie écrit le chevalier de Taulès, j’entrai en Pologne le 8 du mois de mai 1768. Dès ce moment, j’oubliai tout pour m’occuper des confédérés. Je croyais d’abord trouver des gens qui m’informeraient de ce qui pouvait les intéresser, mais les premiers soins que je me donnai ne me procurèrent aucun éclaircissement. Il y avait lieu de me flatter que je serais plus heureux à Bolechoff. Cette ville appartient au comte Potoçki, grand échanson de Lithuanie, le même qui, depuis mon départ de Paris, s’était joint à la confédération, et dont le nom était fait pour donner de grandes espérances à son parti. Je fus trompé dans mon attente ; son commissaire et son intendant ignoraient dans quels lieux il pouvait être, et ne savaient rien de l’état de ses affaires.

« De Bolechoff, je fus à Kaluska, j’y trouvai trente confédérés qu’on y avait envoyés pour lever quelque contribution. Celui qui les commandait, quoique de l’armée de. M. Potoçki, ne fut pas en état de me dire où étaient ce général et cette armée. Il était lui-même très embarrassé sur le chemin qu’il lui conviendrait de prendre lorsqu’il serait obligé de se retirer…

« Je passai ensuite à Stanislaoff. J’y vis des gens de M. le comte Potoçki. Ils n’étaient pas plus instruits que les plus indifférens. Ils savaient en général que leur maître avait marché du côté de Sniatin après la déroute de Podhaizé, mais ils doutaient qu’il eût pu s’y arrêter : Une ignorance aussi extraordinaire provient de la difficulté qu’il y a de communiquer entre les lieux les plus proches, et de la précipitation avec laquelle les confédérés se retirent devant les Moscovites. Ils ne fuient pas, ils volent, et se rendent en quelque sorte invisibles…

« Après Stanislaoff, on trouve Horodenka, ville située sur les limites mêmes de la Moldavie. Elle n’est qu’à trente-cinq lieues de Bar, le siége principal de la confédération. Cependant je n’avais pu savoir encore où je devais aller chercher les confédérés ; personne n’avait été en état de me donner quelque lumière à cet égard. Toutes les communications étaient interceptées. M. Krasinski et M. Potoçki se cachaient pour ainsi dire à tout le monde, et une égale obscurité, couvrait leurs opérations et leur conduite. »

Enfin M. de Taulès apprit que le comte Potoçki, vivement poursuivi par les Russes, avait demandé au pacha de Chotim la permission de passer par la Moldavie, mais, une grave indisposition l’ayant forcé de s’arrêter, il campait avec son armée devant cette même ville de Chotim, lorsque l’agent secret de la France se rendit auprès de lui par les forêts impénétrables de la Bukowine. Il arriva à Otak, où il trouva plusieurs Polonais de toutes les classes de la société, qui s’y étaient réfugiés, et fut pas moins frappé de l’ignorance profonde où ils étaient de la véritable situation de leur pays.

« Une foule de Polonais, dit-il, entouraient ma voiture en m’accablant de questions impertinentes, car ces bonnes gens s’imaginaient que toutes les puissances avaient suspendu leurs plus chers intérêts pour ne s’occuper que de la Pologne, et qu’il n’était question dans toute l’Europe que de leurs affaires.

« Une petite hutte valaque, couverte d’un chaume pourri et consistant dans