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fond, mais l’impératrice Marie-Thérèse l’avait empêché d’éclater par la douceur de son sexe et la modération de son caractère. Joseph II l’envenima. À l’ancienne rivalité de la maison d’Autriche avec la France, il joignit la haine de la maison de Lorraine, haine plus ardente que la première, parce qu’elle venait de plus près et qu’elle tombait de moins haut. Joseph II avait toujours rêvé au profit de la monarchie autrichienne cette unité de l’Allemagne que la révolution essaie aujourd’hui dans un autre intérêt. Voulant la fonder sur l’humiliation et même sur l’anéantissement des cours secondaires, il craignit que la France ne se mît en travers d’un projet si opposé à la liberté de l’Europe et surtout à sa propre sécurité. Aussi Joseph, dès son avènement au trône impérial, témoigna un extrême éloignement pour les liens qui attachaient les Habsbourg aux Bourbons. Il ne garda même aucune mesure dans l’expression de ses sentimens, et, soit flatterie du prince de Kaunitz, soit sympathie de ce ministre pour une opinion qu’il partageait lui-même en secret, Joseph se persuada que la France l’aiderait sans murmure et sans pudeur à opprimer le corps germanique. Il n’exceptait pas de ses sarcasmes le titre qu’il avait tant convoité, le titre pompeux de César romain. En parlant aux ministres étrangers, il affectait de n’estimer de sa position que la puissance héréditaire, d’un archiduc d’Autriche, roi de Hongrie et de Bohême. Toutefois il ne feignait de dédaigner la couronne impériale que pour avoir un prétexte d’en étendre la prérogative. Il se moquait des vieux abus, mais il n’y renonça jamais pour son compte ; loin de là, il rechercha, il ressuscita des formules oblitérées. S’armant de ces antiques oracles pour ruiner l’indépendance des princes de l’empire, il exhuma les prétentions les plus surannées, les plus exorbitantes, et, pour les faire reparaître sur les débris du traité de Westphalie, il imprima une activité presque fébrile à la chancellerie aulique, vénérable, mais paresseuse machine.

L’ancienne pratique d’épier en silence les événemens fut oubliée. Au lieu de les attendre avec patience, on les provoqua avec précipitation, et ce ne fut pas sans une surprise mêlée d’effroi que les princes d’Allemagne, bercés jusqu’alors dans un doux loisir, virent tomber de Vienne une profusion d’ordres, de rescrits, qui tous rendaient l’empereur non pas le chef, mais le maître de l’empire. Joseph II avait devancé son siècle : on voit qu’il tendait dès-lors, comme nous l’avons dit, a l’unité de l’Allemagne, sans la vouloir dogmatiquement, il est vrai. En 1767, on n’en savait pas tant ; mais l’instinct du jeune César l’avait bien servi, et il avait deviné ce qu’on n’a professé que beaucoup plus tard, avec le succès que nous voyons.

Dans cette vue, Joseph II jugea prudent de faire un essai non sur le territoire germanique, mais en Italie. La petite ville de San-Remo,