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demandes toujours croissantes. Ils décrétaient d’accusation les ministres aimés du roi, ils s’ingéraient dans la politique étrangère, ils s’immisçaient avec jalousie dans le gouvernement de l’église. Charles cédait au moment du besoin comme un dissipateur qui accepte toutes les conditions d’un usurier. Une fois dégagé, il n’éprouvait plus que le ressentiment de l’injure faite à son autorité. Pendant douze ans, il se passa de parlement et gouverna en roi absolu. Il échoua encore sur la question d’argent. Vainement il voulut lever des impôts illégaux, des emprunts forcés ; la résistance de Hampden, qui, avec un admirable courage civil, refusa de payer le ship-money, et ne craignit pas d’entrer seul en lutte avec le roi devant la justice du pays, lui enleva cette extrême ressource. Cependant les covenanters écossais avaient envahi l’Angleterre et chassaient l’armée désorganisée et mal commandée de Charles ; il fallut se rendre et convoquer le parlement qui fut le long parlement. Celui-ci, averti par le sort des assemblées précédentes et tenant Charles à sa merci, prit d’abord ses précautions contre lui en lui arrachant le sacrifice de ses deux principaux ministres, Laud et Strafford, et voulut ensuite prendre ses précautions contre la royauté même en s’emparant de toutes les attributions du pouvoir exécutif.

Laud et Strafford, les premiers martyrs de la cause royaliste, doivent occuper la place d’honneur dans la galerie des cavaliers, bien que leur chute ait été antérieure à la guerre civile. Des deux, Laud était le plus haï, Strafford le plus craint. Laud archevêque de Cantorbéry, avait eu le gouvernement des affaires ecclésiastiques ; c’était le plus important, à une époque où la fermentation religieuse travaillait tous les esprits depuis l’homme du peuple jusqu’au seigneur. Aujourd’hui encore, il y a en Angleterre des gens qui parlent de Laud avec vénération et des gens qui ne parlent de lui qu’avec haine et mépris. À ces jugemens contraires on peut reconnaître les partisans des doctrines qu’on appelle de haute église et les partisans des doctrines de basse église, high church et low church. Ce sont les deux fractions qui, dans le juste-milieu qu’occupe l’église anglaise entre l’église romaine et les églises presbytériennes, inclinent l’une vers le catholicisme, l’autre vers le calvinisme. Laud appartenait à la première ; il en a été en quelque sorte le fondateur. C’était un homme pénétré de l’esprit de piété. Il regardait l’épiscopat comme une institution nécessaire à la conservation du vrai christianisme, et il regardait la liturgie catholique comme l’expression la plus complète, la plus digne et la plus pure du sentiment chrétien. Si Laud eût vécu de nos jours, il eût été le chef de cette renaissance catholique qu’on a nommée le puséisme, ou, à mieux dire, le puséisme n’a été que le rajeunissement des doctrines de Laud. Le primat-ministre avait en face de lui les puritains : homme d’église ; il détestait leurs principes religieux ;