Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/217

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

affidés tinrent conseil autour de lui. Roi sans soldats, sans argent, sans pouvoir, allait-il porter aux parlementaires un irrévocable défi ? Avec cette fougue particulière aux caractères faibles lorsqu’ils ont une fois coupé court à leurs doutes par un parti violent, Charles voulut qu’à l’instant même l’étendard fatal fût arboré. On descendit aussitôt dans le parc : le drapeau fut déployé sur une petite éminence. Tandis qu’il souffletait de ses larges plis fouettés par la tempête les chevaliers rangés en cercle, un héraut d’armes lisait la proclamation royale. Le lendemain l’étendard était renversé : un coup de vent l’avait balayé dans la nuit. Charles le fit relever ailleurs. Pour enfoncer la hampe en terre ; les hérauts furent obligés de creuser le sol avec leurs dagues ; quatre chevaliers la tinrent à deux mains, et la proclamation fut lue de nouveau. L’étendard était surmonté du drapeau de guerre rouge, sur lequel une main sanglante montrait une couronne et la devise chrétienne : Rendez à César ce qui est à César ; give Coesar his due.

L’appel fut entendu par cette forte race des cavaliers qui soutint pendant tant d’années une lutte inégale, mais héroïque, et qui, même par sa défaite, a implanté des sentimens invincibles et impérissables au cœur de l’Angleterre. Ces braves gens, pour la plupart, ne voyaient goutte dans les tours et retours de la casuistique parlementaire et religieuse ; mais, lorsque le drapeau royal fut arboré ils se sentirent entraînés par un devoir clair, saisissant, vivant : ils dérouillèrent leurs armures de combat, et allèrent, d’un cœur léger, au-devant de la mort. Les sentimens qui les animaient sont bien exprimés dans cette noble lettre écrite en ce moment par l’un d’eux, sir Bevill Grenvil, à un de ses amis qui lui conseillait la prudence : « Quant à mon voyage, monsieur, il est fixé. Je ne peux me tenir derrière ma porte lorsque l’étendard du roi d’Angleterre flotte en campagne pour un motif si juste, sa cause étant telle qu’elle ne doit faire de ceux qui meurent pour elle guère moins que des martyrs. Pour mon compte, je désire acquérir un nom honnête ou une tombe honorable. Je n’ai jamais aimé ma vie ou mon aise assez pour manquer une pareille occasion, ce que faisant, je serais indigne de ma profession ou de succéder à ces miens ancêtres dont un si grand nombre, en divers siècles, ont sacrifié leurs vies pour leur pays. Monsieur, les barbares et implacables ennemis, malgré les gracieux procédés de sa majesté à leur égard, continuent leurs insolences et leur rébellion au plus haut chef, et sont unis en un corps d’une grande force, en sorte qu’il faut nous attendre, si nous n’allons les prévenir et les vaincre chez eux, à être inquiétés chez nous avant peu… Je n’ai rien à vous demander que vos prières, et si je survis et retourne chez moi, qu’il vous plaise de me continuer au nombre de vos serviteurs. »

Un écrivain de beaucoup d’esprit, M. Eliot Warburton, vient de raviver