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REVUE DES DEUX MONDES.

sommes, ne saurait nous apporter que des améliorations ? N’est-ce rien que d’avoir le temps de se préparer des ressources ? N’est-ce rien que de se réserver la faculté de profiter de la reprise des affaires et de la hausse de notre crédit public ? N’est-ce rien que de conserver la chance de faire l’emprunt au pair dans un temps plus heureux ?

Cette combinaison nous parait donc concilier, dans la double question du chemin de fer de Paris à Avignon et de l’emprunt, l’intérêt de l’industrie honnête et l’intérêt de l’état, l’intérêt moral et financier. Nous savons que les élémens nécessaires à la réalisation de ce projet sur les bases qui viennent d’être exposées sont déjà réunis ; nous sommes sûrs qu’une telle idée ne peut trouver qu’un accueil favorable auprès du monde financier, du ministère et de l’assemblée nationale.



REVUE DES ARTS.


L’exposition de peinture et de sculpture de 1849 est close : le président de la république a distribué de sa main les récompenses décernées aux exposans désignés par la commission des beaux-arts. On sait que, par une heureuse innovation due à l’initiative de cette commission, composée en grande partie d’artistes, le gouvernement a créé pour le plus bel ouvrage du salon, à quelque branche de l’art qu’il appartienne, un prix d’honneur auquel est attachée une annuité de 4,000 francs. Cette récompense nationale, analogue aux prix fondés par le baron Gobert à l’Académie française, doit demeurer an lauréat tant qu’une plus belle œuvre ne viendra pas lui enlever la palme. C’était la première fois que ce prix d’honneur devait être distribué : il a été décerné à M. Jules Cavelier, ancien élève de l’école de Rome, pour sa statue en marbre de Pénélope. On a prétendu sans fondement que le choix du jury a un instant balancé entre M. Cavelier et Mlle Rosa Bonheur, dont la sérieuse peinture du Labourage nivernais a obtenu devant le public un succès si honorable. Quelque intérêt que nous attachions aux heureux et laborieux efforts de notre jeune et habile paysagiste, nous proclamons le bien jugé de la commission. Nous avouons même que l’hésitation d’un jury composé d’artistes eût causé quelque surprise. Si l’art de littérale imitation est porté loin par le talent de Mlle Bonheur, ses géorgiques procèdent trop de Delille, pas assez de Virgile. Son pinceau, encore inaccoutumé à l’art des sacrifices, décrit tout, donne à toute chose une valeur égale, et sa nature trop arrangée, trop époussetée, trop proprette, dénuée de la mâle saveur des champs, ignore encore les grandes harmonies poétiques qui font les maîtres.

M. Cavelier, au contraire, talent du reste éminemment plastique, possède le style qui s’applique aux sujets d’imagination, et sait s’élever à ces régions suprêmes de l’invention et de l’idéal où ne respirent que les fortes intelligences La nue imitation, la vérité vraie, dit tout du premier mot et n’a plus rien à dire ; la vérité poétiquement interprétée a, chaque fois qu’on la contemple, des révélations nouvelles. Aussi l’œil et le cœur sont-ils invinciblement rappelés vers cette statue de Pénélope, l’une des plus belles œuvres de l’école française moderne. La chaste reine, assise sur ce fauteuil d’ivoire et d’or que lui donne