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les anciens erremens, absolument comme si la crise des chemins de fer et la révolution n’avaient modifié ni les conditions du crédit public, ni l’autorité des influences : la compagnie, qui a à sa tête les noms les plus honorables, MM. Ernest André, Isaac Pereire, Tarbé des Sablons, etc., ne s’est pas suffisamment prémunie, nous le craignons, contre la défiance que nos épreuves récentes ont dû laisser dans le public. Elle se fait illusion, à notre avis, lorsqu’elle affirme au ministre qu’elle est en position d’accepter les conditions de son cahier des charges.

Elle a arrêté les bases d’une combinaison financière au moyen de laquelle elle a présumé pouvoir réunir un capital de 240 millions. Nous reprocherons avant tout à cette combinaison la complication de ses rouages. La compagnie a oublié que la simplicité et la clarté de la conception sont le signe et la garantie des grandes et solides affaires. En effet, elle s’est figuré qu’elle réunirait plus aisément ces 240 millions, si elle les divisait en actions et en obligations ; elle a donc annoncé qu’elle ferait appel au public de 100 millions à titre de capital réel divisé en actions, et de 140 millions à titre d’emprunt représenté par des obligations, les titres de ces actions et de ces obligations devant être les uns et les autres de 500 francs. Voici quel est le projet de la compagnie : elle veut négocier ces obligations de 500 francs sur le pied de 355, en accordant même pour une partie du versement un terme qui réduirait le déboursé à 352 francs 50 centimes ; chaque obligation jouirait d’un intérêt de 4 pour 100 sur le prix nominal, c’est-à-dire d’un revenu de 20 francs, mais ces 4 pour 100 représenteraient sur le déboursé réel un intérêt effectif de 5 fr. 70 cent. De plus, les obligations étant payées par séries, chaque porteur aurait la chance d’être remboursé dans un bref délai, à raison de 500 francs, d’une action qu’il n’aurait payée que 352 fr. 50 cent. Et comme si toutes ces séductions ne suffisaient pas, la compagnie admettrait en paiement de ces obligations, dans la proportion que nous allons indiquer, les éventualités des actions de Lyon à Avignon, de Cette à Bordeaux, de Fampoux à Hazebrouck, qui proviennent des cautionnemens confisqués de ces diverses compagnies. Ces éventualités représentent un reliquat à toucher pour les Lyon de 35 francs 33 centimes, pour les Cette de 39 francs 90 centimes, pour les Fampoux de 52 francs 84 centimes. La compagnie exigeant qu’on ne souscrive pas d’obligations en plus petit nombre que 5, ce qui à raison de 352 francs 50 centimes, fait un chiffre de 1,410 francs, recevrait en paiement, pour chaque souscription de 4 obligations, soit 7 éventualités de Lyon valant 247 francs 35 centimes, soit 6 éventualités de Cette valant 239 francs 40 centimes, soit 5 éventualités de Fampoux valant 264 francs 20 centimes, de telle sorte qu’en définitive, tout en recevant 4 obligations nominatives représentant ensemble 2,000 francs, le propriétaire des éventualités de Lyon ne débourserait en argent réel que 1,162 francs 65 centimes, le propriétaire des éventualités de Cette que 1,170 francs 60 centimes, le propriétaire des éventualités de Fampoux que 1,145 francs 80 centimes. Cette combinaison, que nous voudrions avoir rendue saisissable, oblige donc la compagnie à négocier environ 400 mille obligations de 500 francs, pour obtenir, à raison de 352 francs 50 centimes, une somme de 141 millions. Si nous ajoutons 141 millions la subvention en argent de 15 millions 500 mille francs accordée par l’état, la compagnie aura 156 millions 500 mille francs ; mais, si nous en déduisons le montant des éventualités