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pour tenir tête à cette formidable Slavie dont le progrès monte toujours comme une eau débordante. Il n’y a que l’activité fiévreuse et la nature de fer de l’américain pour arrêter, si elle doit être arrêtée dans la lutte finale, cette masse formidable de soldats barbares que leur chef, qu’ils appellent leur père, lance à son gré sur le monde en l’envoyant au nom de Dieu : Nobiscum Deus ! audite, populi, et vincimini quia nobiscum Deus !

Les craintes qu’avait fait naître en Espagne la retraite de M. Mon sont complètement dissipées. La réforme des tarifs ne sera pas ajournée. L’on sait qu’un commissaire royal avait été envoyé en Catalogne pour écouter les plaintes des manufacturiers catalans. Il parait que l’on a eu des soupçons sur l’influence que ces messieurs exerçaient sur ce fonctionnaire qui a été rappelé en toute hâte. Revenu à Madrid, M. Orlando a vainement plaidé la cause de ses protégés devant les ministres ; le nouveau tarif a été définitivement sanctionné, sur les conclusions de M. Alvaro Aniceto, directeur des douanes. La réforme est donc un fait accompli, et nous n’en voulons pour preuve que la hausse soutenue du 3 pour 100. C’est, en effet, sur cette réforme seule que peut se fonder la confiance des créanciers de l’état. Nous avons déjà longuement démontré que l’ancien régime douanier combinait l’accroissement indéfini des dépenses avec la diminution indéfinie des recettes : l’application des nouveaux tarifs aura pour premier résultat de transposer les termes de cette effrayante corrélation D’une part, la suppression de la contrebande, donnera au trésor espagnol, tant en droits perçus sur les articles qui éludaient jusqu’ici l’impôt douanier que par le progrès général de la production et de la consommation, c’est-à-dire de toutes les autres bases imposables, un surcroît presque immédiat de revenu que nous n’avons pas pu évaluer à moins de 50 millions de francs. D’autre part, cette suppression de la contrebande aura pour effet direct de diminuer les frais de surveillance, et pour effet indirect de permettre de grandes économies sur le budget de l’armée, soit en refoulant dans la sphère légale les soixante mille fraudeurs qui forment le personnel ordinaire de toutes les insurrections, soit en supprimant les causes extérieures d’agitation que l’ambition commerciale des Anglais avait intérêt à susciter sous l’empire des anciennes lois douanières. Une réforme qui aboutira d’emblée à l’accroissement des recettes et à la réduction des dépenses n’est-elle pas la véritable solution du problème financier où l’Espagne s’agite et se consume depuis soixante ans ?

Ces faits ne peuvent échapper au patriotisme éclairé de M. Bravo-Murillo ; nous en avons pour garans les efforts qu’il fait dans ce moment pour arriver à l’équilibre des budgets. Il est seulement à regretter que M Bravo-Murillo débute dans cette voie par les demi-mesures, au lieu d’avoir utilisé, dès le premier jour, l’instrument de régénération radicale et immédiate que lui a légué M. Mon. Que le nouveau ministre des finances veuille profiter, par exemple, pour obtenir la réduction de l’armée active, des garanties de sécurité qu’ont créées à l’intérieur l’énergie si pleine d’à-propos du duc de Valence, à l’extérieur l’intelligente fermeté du duc de Sotomayor, rien de mieux assurément ; mais n’atteindrait-il pas plus sûrement et plus promptement son but en anéantissant par la mise en vigueur immédiate de la loi des tarifs, jusqu’au germe des anciens dangers ? Ajoutons que tout retard a ici le triple inconvénient de provoquer des embarras extérieurs en donnant à certaines obsessions diplo-