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tout dire. Voici ce que l’auteur du Partage du Lion écrivait à une nièce de M. de. Turenne, mariée à un prince de Bavière :

« Votre altesse sérénissime
« A, dit-on, pour moi quelque estime,
« Et veut que je lui mande en vers
« Les affaires de l’univers ;
« J’entends les affaires de France.
« J’obéis et romps mon silence.
« L’intérêt et l’ambition
« Travaillent à l’élection
« Du monarque de la Pologne.
« On croit ici que la besogne
« Est avancée ; et les esprits
« Font tant accorder le prix
« Au Lorrain, puis au Moscovite,
« Condé, Neubourg ; car le mérite,
« De tous côtés, fait embarras.
« Condé, je crois, n’en manque pas…
« Ceux qui des affaires publiques
« Parlent toujours en politiques,
« Réglant ceci, jugeant cela
« Et je suis de ce nombre-là)[1],
« Les raisonneurs, dis-je, prétendent
« Qu’au Lorrain plusieurs princes tendent.
« Quant à Moscow, nous l’excluons :
« Voici sur quoi nous nous fondons :
« Le schisme y régne, et puis son prince
« Mettrait la Pologne en province[2]. »

Il y avait donc long-temps que la chute de la république était devenue inévitable. Un palliatif héroïque la retarda. En ranimant la gloire de la Pologne, Jean Sobieski lui rendit la vie. Aussi mauvais administrateur qu’illustre guerrier, Sobieski n’apporta aucun soulagement à des maux intérieurs ; mais l’honneur est un baume qui conserve les nations malades. Le héros de Chotim et de Vienne appliqua ce topique à sa patrie. La voyant glorieuse, on la crut saine et forte. Ses ennemis renoncèrent à leurs desseins, ou plutôt ils les ajournèrent, car ce ne fut qu’une suspension d’armes. Pour parler comme les Polonais, ce fut une trêve sous le bouclier.

On voit combien la pensée d’un démembrement était déjà vieille, et cependant le partage a étonné toute l’Europe, sans excepter les puissances qui l’ont accompli ; il a frappé de surprise les hommes d’état

  1. Il se vantait, le bonhomme.
  2. Epître à Mauricette Fébronie de La Tour, princesse de Bavière. La Fontaine, édition Lefèvre, tome VI, page 86.