Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’école de M. Dahlmann, par son fanatisme réfléchi, par son autorité dogmatique et son incontestable talent, a exercé une funeste influence ; c’est elle qui a irrité l’Autriche en voulant démembrer son empire ; c’est elle qui a créé cette constitution impossible qui ne semble même pas soupçonner l’antagonisme des diverses populations du pays ; c’est elle qui a fait à la démagogie des concessions insensées, prête à livrer tout pour l’accomplissement de sa chimère. Cette constitution une fois votée, la dernière faute, la faute irréparable des centres fut de s’obstiner dans leur orgueil, de prétendre imposer aux cabinets l’œuvre informe du parlement, de pactiser pour cela avec l’esprit de désordre, de lui ouvrir la brèche, et de ne se retirer enfin qu’après avoir mis en feu toute l’Allemagne.

Est-ce à dire que le parlement de Francfort n’ait produit aucun bien ? Son action a-t-elle toujours été ou funeste ou stérile ? À Dieu ne plaise que je porte un tel jugement sur une assemblée qui contenait l’élite d’un grand peuple ! À côté de cet enthousiasme à faux et de cette inexpérience passionnée, au milieu de ces rêves, de ces systèmes, de ces prétentieuses utopies, il y a eu en maintes occasions des qualités du premier ordre ; de vrais services ont été rendus ; plus d’une fois on a pu penser que le parlement allait prendre une haute position morale, qu’il triompherait de la démagogie à Vienne et à Berlin, et que, par cette ferme conduite, il s’assurerait une légitime puissance. Si presque tous les chefs des centres ont commis de graves erreurs, un assez grand nombre d’hommes éminens n’ont pas dévié de la ligne droite ; on trouverait sans peine, dans ce parlement si agité, bien plus de justes qu’il n’en faut pour sauver une ville. Enfin, si l’unité de l’Allemagne a été chimériquement poursuivie par des docteurs infatués de leurs systèmes, il n’en est pas moins vrai que cette unité est désormais un problème que les cabinets sont obligés de résoudre. Cet idéal a pris un corps ; il ne servira plus seulement à occuper l’historien, à inspirer le poète, à enthousiasmer le publiciste ; du monde des livres, de la retraite des savans, de la chaire des universités, voilà ce beau rêve descendu dans la foule, le voilà présenté à tous les enfans de l’Allemagne comme le but suprême où tous les gouvernemens doivent tendre !

Et maintenant, il faut l’espérer, il faut les en conjurer avec force, les souverains ne commettront pas la faute qui a perdu l’assemblée nationale et anéanti ses travaux ; les souverains ne se sépareront pas des peuples. Préparée par la science des hommes d’état, l’unité future sera proposée au concours des représentans du pays. Tandis que la constitution d’Olmütz se modifiera pour ne pas étouffer les races diverses qu’elle réunit aujourd’hui sous un niveau trop uniforme, la Prusse posera les bases d’une fédération à laquelle se rallieront peu à peu les différens états du nord, du centre et de l’ouest de l’Allemagne.