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Gagern est rappelé à l’ordre. Il reprend : « J’ai mérité le rappel à l’ordre je l’accepte pour la réparation d’un instant d’oubli. » Puis, regagnant bientôt son ancien ascendant sur la chambre, il fait rejeter une seconde fois les détestables propositions des factieux.

Ce fut sa dernière victoire. Il était temps pour lui et pour tout le parti libéral de ne pas prolonger davantage l’agonie furieuse du parlement. En s’associant au vote du 4 mai, M. de Gagern était entré dans une voie fatale. Les concessions qu’il avait faites étaient une erreur qu’il devait retracter, ou un engagement qu’il était tenu de remplir. S’il était décidé à ne jamais abandonner le terrain égal, c’était trop ; c’était trop peu, s’il acceptait les secours de l’esprit révolutionnaire. La gauche avait le droit de le pousser à la rébellion ouverte en lui rappelant sa récente conduite ; l’archiduc Jean, par les mêmes raisons, avait le droit de se défier de lui et de repousser son programme. Ce programme, présenté à l’archiduc Jean dans la soirée du 8 mai, épuisait, dit M. de Gagern, toutes les mesures pacifiques pour imposer la constitution aux gouvernemens de l’Allemagne. Oui, assurément, s’il suffisait d’un décret pour opérer des miracles, car c’est un miracle qu’il eût fallu. De toutes ces pacifiques mesures devait nécessairement sortir ou la honte ou la guerre, et quelle guerre ! la pire des guerres civiles, l’horrible guerre de la démagogie, tant appelée depuis un mois par tous les tribuns de la gauche. L’archiduc Jean refusa de souscrire au programme de M. de Gagern et reçut la démission du ministère.

La gauche s’avançait toujours. La retraite de M. de Gagern et le découragement des centres augmentaient sa force. Dans la séance du 10 mai ; M. Reden proposa d’infliger un blâme vigoureux au gouvernement prussien pour avoir envoyé des troupes à Dresde ; le second article de la proposition ordonnait au pouvoir central de protéger tous les mouvemens, toutes les manifestations populaires dont le but était de faire reconnaître la constitution par les souverains. Cette proposition fut adoptée par 188 voix contre 148 au milieu des hurras triomphans de la gauche et des galeries. C’était le premier grand succès arraché par l’extrême gauche à la lassitude, à l’abattement, à l’irritation, à toutes les causes fatales qui décimaient l’ancienne majorité. La majorité nouvelle, ardente à profiter de la victoire, décida qu’une députation irait immédiatement faire connaître ce vote au vicaire de l’empire, et l’engagerait à recomposer un ministère dans le plus bref délai. L’archiduc Jean, pensait-on, osera-t-il choisir ses ministres en dehors de la gauche ? Qui donc parmi les centres se chargerait d’exécuter les décisions du 10 mai ? Les démagogues se croyaient légalement les maîtres ; la réponse de l’archiduc Jean devait précipiter la crise. « Je choisirai, dit-il, un ministère qui puisse satisfaire aux exigences de la situation telles que je les comprends. Je suis un vieux soldat,