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de produire une explosion à Stuttgart, à Dresde, à Leipzig, et de mettre en jeu le Palatinat. Elue par le suffrage universel, sous la charte octroyée le 5 décembre par Frédéric-Guillaume, la seconde chambre contenait bien des élémens démagogiques. Ce n’est pas tout : en face d’un parti radical plein d’emportement et de violence, la droite et les centres s’étaient fractionnés à l’infini. On y comptait une extrême droite, la droite des ultras, dont l’orateur était M. de Bismark-Schoenhausen ; — la droite des politiques, dirigée par MM. de Bodelschwing et d’Arnim ; — la droite dissidente qui avait l’honneur d’être commandée par le brillant et ardent M. de Vincke ; — puis le centre droit, le centre pur et le centre gauche. La gauche et l’extrême gauche avaient un tiers des voix, et l’indiscipline de leurs adversaires donnait une force immense à cette minorité redoutable. La gauche, prenant en main une cause chère aux libéraux, se voua hypocritement à la défense de l’assemblée nationale ; Rodbertus un des meneurs, demanda à la chambre de consacrer par un vote solennel la constitution de Francfort. Attaqué, provoqué sans cesse, sous le prétexte spécieux d’une grande cause nationale, par des hommes dont la révolution était le seul but, le gouvernement fut amené sans peine à prendre brusquement son parti. Sommé par M. Rodbertus de reconnaître la constitution, sommé par l’Autriche et la Russie de rompre avec l’assemblée de Francfort, ce n’était pas devant M. Rodbertus que le ministère Brandenbourg devait déposer les armes, Il renonça désormais aux tempéramens, aux ajournemens, à toutes les ruses qui avaient formé jusque-là le fond de sa politique dans la question de l’empire ; il prit une résolution nette et la déclara tout haut. En réponse à la proposition Rodbertus, en réponse à une impatiente sommation de M. de Vincke, le chef nominal du cabinet, le vieux comte de Brandenbourg, vint lire à la tribune un manifeste ministériel ; le roi de Prusse y refusait d’accepter sans conditions la dignité impériale et terminait ainsi. « Je reconnais la force de l’opinion publique, mais ce n’est pas une raison pour s’abandonner en aveugle aux courans et aux tempêtes ; jamais ainsi le vaisseau n’atteindrait le port, jamais, jamais. » Ces paroles, dont l’auteur n’avait pas seulement pris la peine de déguiser son style, vinrent en aide à M. Rodbertus ; en voyant briller derechef la poétique prose de Frédéric-Guillaume, les libéraux craignirent aussi de voir reparaître le souverain féodal de 1840 : celui qu’ils avaient si énergiquement combattu à la diète de 1847, celui que la révolution de 1848 forçait désormais à régner derrière un ministère responsable. Et puis ce subit abandon des espérances et même des convoitises de la Prusse n’arrivait-il pas assez mal à propos après les menaces, du prince Schwarzenberg ? Si la crainte du gouvernement personnel froissa les libéraux, le sentiment de l’honneur prussien compromis révolta plus d’un patriote