Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gravité austère à l’élection de l’archiduc Jean. Il semblait qu’elle fût lasse d’elle-même où qu’elle eût perdu la conscience de son droit. Le silence opiniâtre d’une minorité si considérable produisait déjà le plus fâcheux effet ; les réflexions, les commentaires de plus d’un opposant augmentèrent encore le mal et nuisirent à la dignité de tous. — Je ne veux pas de chef, disait M. Trüschler, l’un des coryphées de la montagne. — Je ne nomme pas de contre-empereur, s’écriait le docteur Sepp, ultramontain fougueux, et, comme, tel, vassal dévoué des Habsbourg. Quand on appela le nom du prince Waldbourg-Zeil : Vous vous trompez, répondit-il gaiement, je ne suis pas un des sept électeurs. — Je n’ai pas de mandat, disait le comte de Deym… Ce feu roulant d’épigrammes enlevait bien quelque chose à l’éclat de la couronne, et, pour un prince aussi attaché que Frédéric-Guillaume IV à la doctrine du droit divin, le présent du parlement de Francfort perdait singulièrement de son prix. Le président essaya de rendre à la séance toute la gravité convenable. Quand le scrutin fut dépouillé, M. Simson s’exprima en ces termes : « Je viens vous annoncer, messieurs, le résultat de l’élection. Les 290 votes qui ont été émis se sont réunis sur le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV ; 248 députés ont cru devoir s’abstenir. Donc, dans sa 196e séance publique, le mercredi 28 mars 1849, l’assemblée nationale de l’empire, conformément à la constitution qu’elle a fondée, a remis au roi Frédéric-Guillaume IV la dignité d’empereur d’Allemagne à titre héréditaire. Puisse le prince allemand qui tant de fois a exprimé en d’immortelles paroles son chaleureux dévouement à la cause allemande, puisse ce noble prince devenir le soutien de l’unité, de la liberté et de la grandeur de notre patrie maintenant qu’une assemblée sortie du sein de la nation entière, une assemblée telle qu’il n’y en a jamais eu de semblable sur le sol de l’Allemagne, l’a élevé au faîte de l’empire ! Que Dieu soit avec l’Allemagne et son nouvel empereur ! » Une partie de l’assemblée couvrit ces paroles d’applaudissemens, et aussitôt de bruyantes salves d’artillerie, mêlées au joyeux carillon des cloches, annoncèrent à la ville de Francfort que l’assemblée venait de proclamer son élu.

Était-ce là un grand triomphe pour le parti prussien ? Le succès, au contraire, n’était-il pas bien chèrement acheté, et les radicaux, qui semblaient vaincus, n’avaient-ils pas, autant que M. Dahlmann et ses amis, le droit de faire sonner toutes les cloches de la ville ? Sans chercher à dévoiler le manége des intrigues particulières, il est bien facile de comprendre pourquoi les trente ou quarante voix qui avaient repoussé la proposition Welcker venaient d’être acquises le 27 à la création d’un empire héréditaire, le 28 à l’élection de Frédéric-Guillaume IV. Une semaine s’était écoulée entre ces deux discussions ; or, pendant cet intervalle, consacré au vote définitif de la constitution de