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plus tard, en passant sur le même terrain, on trouva sa tombe profanée.

Le 21, le général Changarnier ordonna un séjour ; le soin des blessés lui faisait un devoir d’accorder aux troupes quelque repos. D’ailleurs, après ces deux jours de combats acharnés, avec cette petite colonne à soixante lieues de Milianah, entouré d’ennemis, il méditait un de ces coups hardis qui devait frapper de terreur les populations et assurer le succès de sa course. Pendant la nuit, un bataillon d’infanterie, composé de chasseurs d’Orléans, de zouaves et du 26e, de ligne, partit, sous les ordres du commandant Forey, avec la mission d’appuyer la cavalerie, qui s’en allait tenter une razzia. Averti par ses espions, le général avait appris le lieu où tous les troupeaux et les femmes de ceux qui avaient combattu contre nous étaient rassemblés. Ses ordres furent donnés sur-le-champ ; le succès justifia son heureuse audace : huit cents prisonniers et douze mille têtes de bétail ramenés au camp y répandirent l’abondance et la joie.

Cette lutte était terminée ; la petite troupe française avait brisé tous les obstacles, et, se faisant jour à travers ces ravins de la mort comme les appelaient les Arabes, avait noblement soutenu sa vieille réputation. Jamais soldats d’Afrique ne s’étaient trouvés à de plus rudes épreuves, jamais soldats ne montrèrent plus de courage et de sang-froid ; aussi, le 22, la troupe victorieuse levait le bivouac sans être inquiétée. La marche fut pénible. Sous un soleil de feu s’avançait cette longue file de blessés, dont une partie était portée à bras, puis ce troupeau, puis ces prisonniers qui suivaient, comme au jour du triomphe, les vaincus derrière le char des conquérans. La colonne traversa ainsi cinquante lieues de pays au milieu des populations étonnées qui ne pouvaient croire que cette poignée de Français eût franchi la montagne sous les balles kabyles, frappant ses ennemis châtiant ceux qui avaient osé l’attaquer. C’est que tous, soldats, officiers, général, avaient noblement payé de leur personne : le chef avait su commander, le soldat comprendre et obéir. Depuis lors le souvenir de ces combats est devenu pour tous un titre glorieux, et l’on regarde avec respect celui qui peut dire : — J’étais à l’Oued-Foddha !

Au mois de juillet 1843, huit mois après toutes ces luttes, le général avait enfin reçu la soumission définitive des tribus kabyles ; il rentrait à Milianah pour commencer l’inspection générale, et ces légions bronzées par le soleil défilèrent devant lui, couvertes encore de la poussière des grands chemins, miais belles, magnifiques et fières.

À ce moment, la guerre unissait dans la province ; depuis Teniet-el-Had et Milianah, depuis le désert jusqu’à Alger, on ne trouvait, selon l’expression arabe, que la paix et le bien. Abd-el-Kader ne pouvait plus écrire : « Vous ne possédez en Afrique que la place occupée