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« 1o L’allégement de la fatigue par la suppression des postes et des sentinelles inutiles,

« 2o Une augmentation de solde suffisante pour améliorer sensiblement la qualité du pain et des vivres de campagne ;

« 3o L’assainissement et l’élargissement général du logement des troupes ;

« 4o la substitution de l’instruction intellectuelle, politique et morale, aux fastidieuses théories ne l’on fait apprendre pendant trente ans à des hommes qui les connaissent parfaitement avant l’expiration de leur première année de service ;

« 5o La substitution des exercices modérés, de la gymnastique volontaire et attrayante, à la longueur, à la superfluité, des manœuvres et exercices actuels, qui, le plus souvent, n’ont d’autre résultat que le dégoût et l’emploi inutile du temps, sans rien ajouter a la valeur du soldat. » (Almanach du Nouveau-Monde.)

Partout, dans ces almanachs, le pauvre est averti que ses misères viennent du riche. S’il n’y avait pas de banquiers qui sont directeurs des compagnies d’assurance, l’état, pour une modique somme, ferait toutes les assurances, et le paysan braverait l’incendie, la grêle, l’épizootie. C’est toujours le système que M. Pelletier développait un jour à la tribune : l’état emprunterait à 5 pour 100 et prêterait à 3. Qui suppléerait à la différence ? Je ne sais, et les almanchs, même l’Almanach prophétique, le savent pas. Seulement ils savent et ils disent que, si l’état n’assure pas aussi le pauvre contre tous les risques, c’est « qu’il y a des représentans fort riches, de gros rentiers, de gros banquiers, qui ont intérêt à ce que cela ne se fasse pas. Ils ont l’argent placé dans les compagnies particulières, et, comme ils songent à eux avant de songer aux autres, ils ne veulent pas d’un mode d’assurance par l’état qui leur couperait l’herbe sous le pied. Et, comme ces charitables insinuations font partie d’un dialogue, les interlocuteurs demandent alors s’il n’y aurait pas moyen d’empêcher les riches de nuire aux pauvres.

« — Mon Dieu si : on vous a dit cent fois, et moi le premier, nommez donc pour vous représenter des hommes qui veuillent ce que vous voulez, qui n’aient pas intérêt à vouloir autre chose, et tout ira comme sur des roulettes. Mais non, vous ne voulez pas comprendre ; vous faites de la complaisance à vos dépens ; tandis que les riches se gardent bien de voter pour les pauvres, les pauvres ont la sottise de ne pas leur rendre la pareille.

« — C’est que, voyez-vous, monsieur Mathieu, on nous a dit, au moment des élections, que ceux qui n’ont pas su faire leurs propres affaires ne sont pas capables de faire celles des autres, que ceux qui n’ont pas de biens au soleil ne tiennent à rien, que ceux qui sont pauvres, songeront plutôt à faire leur bourse qu’à défendre la nôtre.

« — Père Étienne, je sais par cœur toutes ces calembredaines ; mais, pour mon compte, je n’y mords pas Quand on me dit cela, je réponds qu’en politique beaucoup de gens n’ont pas su faire leurs affaires, parce qu’ils se sont constamment occupés de celles des autres, et que ceux qui n’ont rien tiennent souvent plus à leur pays que ceux qui ont beaucoup.

« — Tenez, monsieur Mathieu, dit alors le père Étienne en lui serrant la main, s’il y avait dans chaque village un homme comme vous pour éclairer le pauvre monde, nous aurions en moins de six mois une bonne république, une vraie république. » (Almanach d’un Paysan.)