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d’une certaine opulence ; mais en France les grosses bourses aussi sont rares, les petites sont nombreuses. Il y a plus de sous que de pièces de cinq francs, et frapper le capital, c’est frapper aussi tout le monde. Avec un pareil état de choses, les finances publiques sont l’affaire de tout le monde. Et qui ne voit que depuis un an, depuis que la crise sociale n’est plus si menaçante, la crise financière doit attirer d’autant plus notre attention, parce que la crise financière peut à chaque instant ramener la crise sociale ? De là l’extrême importance que le commerce et l’industrie attachent au maintien de l’impôt des boissons. Si l’impôt des boissons est maintenu, il peut encore y avoir des finances françaises. Si, au contraire, l’impôt est aboli, c’en est fait pour long-temps encore du commerce et de l’industrie ; nous entrons dans la carrière des aventures financières.

Ce que M. Fould a fait pour les finances de l’état, en défendant le maintien de l’impôt, M. d’Hautpoul, le ministre de la guerre, l’a fait en défendant aussi avec une rare énergie le droit de police et de surveillance qui appartient à l’état. C’est aussi une question d’ordre social. Le ministre de la guerre, en prenant la direction des affaires, a écrit à tous les colonels de gendarmerie pour les inviter à lui envoyer des rapports confidentiels sur l’état des esprits ; et comme en ce moment il y a une propagande très active que font, en faveur des doctrines socialistes les commis-voyageurs de la démagogie d’une part, et de l’autre, les agens mêmes du gouvernement nommés par la révolution de février ou pervertis par ses circulaires, — nous voulions parler des agens voyers ; des instituteurs primaires et des percepteurs, — le ministre a donc enjoint aux colonels de gendarmerie de surveiller ceux de ces agens qui ne craindraient pas d’aider aux progrès de la démagogie. Cela ne veut pas dire que tous les agens du gouvernement vont être soumis à la surveillance de la police ; cela veut dire seulement que les colonels de gendarmerie peuvent et doivent dire au ministre de la guerre ce que les préfets peuvent et doivent dire au ministre de l’intérieur, c’est-à-dire quel est l’état des esprits dans le département, et quelle influence la bonne ou la mauvaise conduite des agens de l’autorité exerce sur l’esprit public. Ces renseignemens, qui arrivent de divers côtés au gouvernement, sont conférés ensemble dans le conseil des ministres, et deviennent la cause des décisions que les ministres prennent sur les choses et sur les hommes de leurs services respectifs. Cela s’appelle gouverner ; mais c’est là ce qui contrarie extrêmement la montagne : elle a eu connaissance de la circulaire du ministre de la guerre aux colonels de la gendarmerie, et elle a reproché au ministre de la guerre de changer la gendarmerie en espions et de soumettre la Franc entière au pouvoir de la police : Le sujet d’amplification était beau, et il est malheureux que l’orateur de la montagne n’ait pas eu le temps de faire son discours. M. Baune, en effet, annonçait qu’il interpellerait le ministre de la guerre ; mais il voulait laisser du temps an ministre pour se défendre. La mise en scène était habile, et le délai grossissait l’affaire. M. d’Hautpoul, voyant qu’on lui demandait un rendez-vous d’honneur l’a pris tout de suite en homme pressé de finir. — Mais mon réquisitoire n’est pas prêt, disait M. Baune. — Tant pis pour le réquisitoire, a dit l’assemblée enchantée d’échapper à un discours de L. Baune ; parlez ! — Il a fallu parler, il a fallu accuser. Quelle accusation ! Le fond de cette accusation se réduit à ceci, qui est le fond ordinaire de toute la